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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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que vous allez comme ça avec vos fleurs d’une
main et votre sacoche de l’autre ? l’interpella la cuisinière
d’un air goguenard après avoir fait signe à Marinette de poser la
malle. C’est-y pour un défunt !
    Le médecin se trouva soudain stupide son bouquet à la main et se
sentit rougir bien malgré lui.
    – J’ai une visite dans l’immeuble et, puisque je passais, se
justifia-t-il mal à l’aise, j’ai pensé que des fleurs feraient
plaisir à Mme de La Joyette. Pour fêter son emménagement, en
quelque sorte… Mais prenez mon bouquet, je vais aider Marinette à
porter cette malle qui me semble bien lourde.
    – C’est pas de refus, dit la grosse Marie. C’est qu’elle est
pleine à craquer de vaisselle et d’argenterie cette maudite
malle.
    La malle était effectivement très lourde et le Dr Jacob dut
confier également sa sacoche à la cuisinière.
    Précédant les deux porteurs, la grosse Marie pénétra la première
dans l’appartement, brandissant le bouquet devant Mme de La Joyette
qui la regarda interloquée.
    – Et la malle ? fit-elle.
    – Elle suit avec le docteur et Marinette. D’ailleurs, c’te
bouquet, c’est de sa part à lui, dit la cuisinière en le lui
tendant.
    Mme de La Joyette en eut un haut-le-corps de contrariété. Ce
n’était pas dans de telles conditions qu’elle avait imaginé la
première visite du Dr Jacob, alors que l’appartement n’était encore
que capharnaüm avec le déballage des malles. Certes, l’idée des
fleurs était délicate, mais on ne les faisait pas porter par une
domestique.
    – Vous tombez fort mal, cher ami, lâcha-t-elle hautaine à
l’arrivée du Dr Jacob.
    – J’en suis confus, dit-il en se redressant après avoir posé la
malle. Je ne faisais que passer, rapidement, et…
    – Ce bouquet que Marie m’a tendu est-il vôtre ? le
coupa-t-elle du même ton.
    – Oui, j’ai pensé…
    – Louison, un vase, ma « fille », s’il vous plaît, et
vite, le Dr Jacob est pressé !
    – Mais il n’y a pas de vase, Madame ! répondit de la
cuisine la voix alarmée de Louison.
    – Comment ça ! Vous n’y avez pas pensé ?
    – Il n’y avait pas de vase sur la liste, Madame, intervint
Jeannette qui avait revu la liste trois fois.
    – Ce n’est pas possible ! la tança Mme de La Joyette. Qu’on
aille me chercher un vase !
    – Mais où, Madame ? demanda Louison qui s’était décidée à
sortir de la cuisine.
    – Chez moi, pardi !
    – Je vais aller en chercher un, madame la comtesse, proposa
Marinette Breton.
    – Non, pas vous, ma petite Marinette. Marie va s’en charger.
N’est-ce pas, Marie ? Et rendez sa sacoche au Dr Jacob,
il a une visite à faire.
    Gêné et comprenant qu’il tombait fort mal, le Dr Jacob prit
congé et s’empressa d’aller visiter son patient de l’étage du
dessus.
    En se remémorant la scène, il fut mortifié de l’attitude de
Mathilde qui l’avait traité en quasi-domestique. Et il se demanda
s’il n’était pas vain de nourrir quelque espoir, Mme de La Joyette
étant par trop fantasque pour un être aussi cartésien que lui.
    Le jeudi suivant, un 1 er avril, il se garda bien de
toquer à la porte du « bureau » de Mathilde et se surprit
même à passer son palier sur la pointe des pieds. Mais il fit bien
car Mme de La Joyette n’en avait pas fini de mettre la main à un et
mille petits détails d’agencement, ainsi qu’ont l’habitude de faire
les femmes depuis des temps immémoriaux pour que leur logis soit
bien à elles. Soit un vase sur le rebord de la fenêtre et un autre
sur le guéridon, un coussin plutôt ici ou là, et ainsi de suite.
Mais, surtout, Mme de La Joyette s’efforçait de prendre possession
de la cuisine, lieu où elle n’avait fait que passer jusque-là. De
toute sa vie, elle n’avait mis sur le gaz une casserole d’eau à
chauffer pour préparer un thé ou un café. Quant au poêle à charbon,
elle préférait ne pas y penser.
    Le dimanche en fin d’après-midi, lorsque le comte de la Fallois
et le Dr Jacob vinrent prendre le thé selon une habitude à présent
bien réglée, Anne-Charles se montra fort attentionnée à l’égard de
leur hôtesse, se montrant curieux de la façon dont elle envisageait
sa nouvelle activité de « femme de lettres », alors que
le Dr Jacob ne sembla s’y intéresser que par politesse. Au point
qu’elle se demanda si elle avait fait le bon choix. Mais les
attentions du comte finirent par agacer Mme de La

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