Mathilde - III
lit.
– Je vous en prie, murmura-t-elle sans rouvrir les yeux une fois
allongée, dégrafez-moi le haut de ma robe. J’étouffe…
– Avez-vous mal quelque part ? demanda le Dr Jacob.
– Oui, là, au cœur, dit-elle en prenant sa main, toujours sans
déclore les paupières, et en la posant sur son sein.
Le souffle court, Mathilde l’y maintint fermement pour s’assurer
que son médecin comprît la nature du remède dont elle avait
besoin.
Elle sentit ses tétons se raidirent et son ventre se
crisper.
– Souhaitez-vous toujours que je sois vôtre ?
demanda-t-elle dans un murmure pour plus de sûreté.
5
Une petite heure deux fois par semaine ne suffisait pas à
rassasier les deux tout jeunes amants. Aussi Mme de La Joyette
ajouta-t-elle une autre séance d’« écriture » le mercredi
matin, entre dix heures et midi, deux petites heures que le Dr
Jacob pouvait distraire à ses matinées passées à la clinique
paternelle et qui ouvraient grandement l’appétit de Mathilde pour
le déjeuner.
Jamais elle n’aurait songé se livrer aussi totalement à un
homme, mais il est vrai que le fait que son amant fût médecin, et
en particulier le sien, facilita largement la chose. Ne
connaissait-il pas déjà son intimité, sans parler des
particularités du corps féminin ?
Certes, les connaissances du Dr Jacob se révélèrent fort
théoriques les premières fois. Mme de La Joyette dut y remédier en
prenant l’initiative, en le mettant sur la voie de ses désirs. Puis
il sut très vite les deviner et elle put enfin se livrer sans
retenue aucune pour ne penser qu’à jouir de tout son corps et à
procurer tous les plaisirs –
tous
– à son amant.
Sa bonne amie la marquise de Bonnefeuille, avait bien
supposé : le Dr Jacob était plein de fougue et possédait
l’ardeur de la jeunesse, mais Mathilde n’eut aucune envie
d’apprendre comment il avait satisfait ses besoins jusque-là,
quoiqu’il lui prétendît qu’il n’en avait guère eu l’occasion à
cause de ses études puis de son travail. Pourtant, comme toute
femme, elle en était curieuse, mais elle ne voulait, si elle le
questionnait sur ce point, qu’il en vînt à supposer qu’il pouvait
s’offrir la même liberté à son égard. Elle n’avait nulle envie
d’évoquer avec lui feu son mari et Vassili, le seul amant qu’elle
eût eu avant lui.
Ils avaient tous deux le même âge et n’avaient, curieux hasard,
qu’un seul jour de différence, elle étant née le 11 avril
1891, et lui le 10, ce qui en faisait son aîné de fort peu, alors
que Mathilde n’avait connu jusqu’à présent que des hommes plus âgés
qu’elle, feu son mari étant de huit années son aîné et Vassili
d’une bonne quinzaine.
Peut-être était-ce leur même jeunesse la raison d’une si
parfaite harmonie amoureuse, estimait Mathilde, car, jamais, elle
n’aurait pu se comporter en « hétaïre » – elle employait
l’expression sans songer à rougir – avec un homme plus âgé qu’elle.
Elle n’eût point osé de crainte d’être mal jugée même si c’est ce
dont elle avait toujours secrètement rêvé et si cette crainte
était, tout compte fait, des plus stupides. Ou était-ce plutôt
qu’elle ne voyait nullement en son jeune amant un éventuel mari.
Pas plus un père, d’ailleurs, car de cela il était définitivement
hors de question – sa triste expérience avec Vassili l’avait
définitivement « guérie » de ce genre de désir qui
n’apporte qu’entraves à la liberté d’une femme.
Sa relation avec le Dr Jacob serait purement
« corporelle », ainsi en avait-elle décidé, et cela
comblait, au-delà de ses espérances les plus secrètes, toute son
attente.
De toute façon, devenir une « Mme Jacob » après avoir
été comtesse de La Joyette eût des plus ridicules. « Mme
Jacob, vous savez, celle qui est née Mauclair de Montélian et a été
comtesse de La Joyette par mariage … »
Ce n’eût point été une mésalliance mais une déchéance. Le Dr
Jacob était et resterait son amant, un point c’est tout. C’était
leur accord. Nulle folie ne devait venir interférer avec leur
bonheur – « mon immense bonheur », disait Mathilde
comblée. Mais elle n’était, hélas ! pas maîtresse des
sentiments qu’avait toujours éprouvés à son égard le Dr Jacob
et qu’il ne pouvait parfois taire quoiqu’elle le lui eût
interdit.
Il lui arrivait, alors
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