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Mathilde - III

Titel: Mathilde - III Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Pecunia
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qu’ils n’avaient qu’à peine une petite
heure devant eux, de la passer à lui déclarer sa flamme et à lui
dire combien il se désespérait qu’elle lui refusât de lui ouvrir
son cœur, allant jusqu’à lui faire reproche de ne point en
avoir.
    – Antoine, vous ne respectez pas notre contrat, se fâchait-elle
alors. Vous me vouliez, vous m’avez. Ne m’en demandez pas plus,
sinon…
    – Je sais, je suis incorrigible, pardonnez-moi, chère Mathilde,
l’implorait-il le genou à terre de crainte qu’elle ne rompît leur
relation.
    Paradoxalement, c’était à ce moment précis qu’elle chérissait le
plus son « fou d’Antoine » tant il lui semblait alors
vulnérable, mais elle devait reconnaître que le comte de la
Fallois, peut-être parce qu’il était de son monde, se serait au
moins abstenu de telles scènes. Toutefois, elle lui pardonnait car
les hommes sont souvent faibles et puérils.
    Les semaines qui suivirent eussent pu compter parmi les plus
heureuses de sa vie si elle n’avait eu la faiblesse, dérogeant par
là à la règle de conduite qu’elle s’était fixée en l’espèce,
d’accepter de passer une partie de la soirée et de la nuit du mardi
10 avril avec son amant pour fêter ainsi leur anniversaire.
    En soi cela était fort imprudent car il lui fallut prétexter une
sortie au concert suivi d’un souper avec le Dr Jacob, ce qui ne
manquerait pas d’intriguer sa domesticité car elle ne se rendait
jamais au spectacle ni au concert sans la compagnie du comte de la
Fallois et de la marquise de Bonnefeuille. Mais son « fou
d’Antoine » l’en avait tant suppliée et eût été si malheureux
qu’elle lui refusât ce plaisir qu’elle avait accédé à sa demande
pour apaiser le tourment dont elle était la cause.
    – Ah ! si votre cœur pouvait me parler ainsi que votre
corps le fait ! s’était-il exclamé d’un ton pathétique.
    C’était à la fois charmant et naïf. Pour accéder à son cœur, il
eût fallu qu’il fût capable de la dominer alors qu’il ne savait
être que son esclave. Et Mathilde s’en trouvait fort bien, son
« bon esclave » n’en méritant pas moins sa
récompense…
    Mathilde n’avait donc qu’à s’en prendre à elle-même si, après de
fols ébats, peu après minuit elle s’était endormie dans les bras de
son amant.
    Elle avait poussé un cri d’effroi dans son cauchemar dès que son
mari était apparu, venant au-devant d’elle, le visage fermé et lui
jetant, d’un ton de reproche : « Tu ne m’attends donc
plus ? Pourtant tu sais que je suis vivant et que je
reviendrai… » Puis les traits de son visage s’étaient estompés
et seuls ses yeux et sa bouche étaient demeurés. Elle lui
cria : « Mais tu es mort ! Tu es
enterré ! »
    Elle n’était même pas sûre qu’il l’eût entendu et elle ne le
saurait jamais car Antoine l’avait réveillée et elle s’était
blottie toute tremblante de frayeur dans ses bras d’homme de chair
et d’os, bien vivant.
    – Ce n’est rien, vous avez fait un mauvais rêve, mon tendre
amour, lui disait-il en la caressant et la berçant.
    – Oh ! Antoine…
    – Chut ! ma chérie…
    Mathilde se mordit les lèvres jusqu’au sang tant elle avait
envie de se délivrer de l’horrible cauchemar qu’elle avait cru
disparu à jamais en l’évoquant. Mais il était malheureusement
impossible d’en parler avec Antoine, le « Dr Jacob » qui
aurait craint de nouveau pour son état mental. Car, si Mathilde
tremblait tellement, c’est que, bien que sa raison et les faits lui
disaient que feu son mari était bien mort et enterré dans le caveau
familial, quelque chose d’indicible lui faisait penser le
contraire.
    – Serais-tu donc encore en vie ? murmura-t-elle à
regret.
    – Mais oui, je suis là et nous sommes tous deux bien vivants,
dit en se méprisant Antoine Jacob. Vous êtes comme une enfant, ma
chère Mathilde, et, comme les enfants, vous avez du mal à sortir de
vos mauvais rêves.
    – Je ne suis pas une enfant, dit doucement Mme de La Joyette en
secouant la tête et reprenant peu à peu ses esprits.
    – Mais si, ma chère, vous êtes une enfant fantasque et gâtée,
surenchérit Antoine Jacob en riant.
    Il ne savait pas encore qu’il venait de perdre la femme qu’il
chérissait plus que sa vie même – mais, comme l’immense majorité
des hommes passionnément amoureux, il ne mit pas fin à ses jours
pour autant lorsque Mme de La Joyette le lui signifia

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