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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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elle-même aurait pu faire une telle chose.
    – Ces Européens sont si différents de nous. Vous vous rendez compte? Une jeune fille de dix-sept ans qui vit nuit et jour sans vrai repos et à la merci d’animaux sauvages, de bestioles...
    – ... et de soldats.
    Le père Villeneuve avait interrompu M me Dussault gentiment, sentant qu’elle tournait autour de sa vraie pensée. Intimidée, M me Dussault se tut et regarda en direction de la porte, espérant presque y voir apparaître Élisabeth. Celle-ci revint quelques minutes plus tard, masquant mal la peine qu’elle avait ressentie. Elle s’assit et demanda s’il était possible que son frère habite lui aussi chez les Dussault.
    – Il pourrait étudier au collège de Saint-Boniface, comme vous le voulez, mon père.
    Villeneuve toussota alors que les Dussault manifestèrent un léger embarras. Ce fut le médecin qui se ressaisit le premier.
    – Je crains que non, mais puisque vous aurez congé tous les dimanches, il nous fera plaisir de l’accueillir chez nous.
    Cette solution rasséréna un peu Élisabeth, mais elle savait qu’elle aurait énormément de difficulté à se passer de la présence quotidienne de son frère. Il avait toujours été là pour la calmer et la protéger, pour la comprendre et la choyer. Il était la seule personne sur terre à savoir toutes les blessures que la vie lui avait infligées.
    – Vous auriez besoin de moi à partir de quand?
    M me Dussault répondit qu’elle pouvait s’en venir avec eux si elle le désirait.
    – Non, pas aujourd’hui. Si j’arrivais dimanche, dans trois jours, est-ce que ça vous irait? Mon frère pourra alors m’accompagner et m’aider à m’installer.
    Les Dussault acquiescèrent sans hésitation et Élisabeth leur promit qu’elle ferait tout pour qu’ils soient fiers d’elle et ne regrettent jamais leur décision.
    Le lendemain de cette rencontre, le père Villeneuve conduisit Jan et Élisabeth à une ferme située à un mille environ de Saint-Adolphe.
    – Je n’ai jamais rencontré le propriétaire mais il se nomme Bergeron et emploie quelques néo-Canadiens.
    Le père Villeneuve jeta un coup d’œil en direction de Jan qui ne broncha qu’au mot «néo-Canadiens». Villeneuve avait espéré qu’il réagisse au fait qu’on y employait des immigrés mais Jan avait les yeux résolument tournés vers la rivière Rouge.
    – Elle est moins impressionnante que le fleuve Saint-Laurent.
    – Peut-être, mais elle est à peu près de la même taille que les fleuves européens.
    – C’est vrai mais nous ne sommes plus en Europe. Vous l’avez dit vous-même, nous sommes des néo-Canadiens.
    Jan avait parlé sur un ton assez désagréable, rythmant sa réplique sur celle du père Villeneuve. Élisabeth lui donna un coup de coude. Jan ne desserra plus les mâchoires. Élisabeth essaya de le faire rire ou à tout le moins sourire, se moquant allégrement de sa décision de travailler dans une ferme. Lorsque l’automobile s’immobilisa devant une maison de ferme un peu délabrée et qu’ils en descendirent, Jan l’entraîna à l’écart et perdit complètement son sang-froid.
    – Élisabeth! Il me semble que c’est toi qui aurais dû le mieux comprendre mon choix. Si tu n’es pas heureuse chez les Dussault, qu’est-ce qui va t’arriver? Il va falloir que je m’occupe de toi. Ce n’est pas en étudiant que je vais pouvoir subvenir à nos besoins. En travaillant dans une ferme, je vais mettre assez d’argent de côté, sans crever de faim, Élisabeth, sans crever de faim, pour être prêt à toute éventualité.
    Élisabeth le regarda, bouche bée.
    – Mais, Jan, je suis assez vieille pour prendre soin de moi!
    – Ce n’est pas vrai, Élisabeth. Quand tu avais mon âge, tu étais assez vieille pour le faire, mais tu n’as jamais pu le faire. C’est moi, Élisabeth, qui ai pris soin de toi. Pendant des mois, Élisabeth.
    Jan avait la gorge complètement nouée et sa voix ressemblait à une voix en mue. Élisabeth se tordait les mains, se demandant comment elle arriverait, un jour, à consoler ce frère à qui, sans vraiment le vouloir, elle avait trop demandé.
    – Dès que la vie te fait mal, tu baisses les bras au lieu de relever la tête. Tu es comme ça, toi. Nous avons tous notre façon. Alors, laisse-moi faire comme je l’entends. Je ne veux plus jamais, tu m’entends, jamais discuter de mes choix.
    Le père Villeneuve les rejoignit en souriant, accompagné d’un homme

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