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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’hostie toute ronde qui lui colla aussitôt au voile du palais. Il se releva, feignant le recueillement alors qu’il ne pensait qu’à décoller l’hostie qui l’étouffait un peu. Il marcha jusqu’au fond de l’église et avala enfin la petite chose devenue molle et gluante. Depuis qu’il travaillait pour M. Bergeron, ses convictions avaient été mises à rude épreuve et il trouvait de plus en plus difficile de respecter les lois divines et même les lois de l’Église. Il était si malheureux qu’il n’osait confesser ses vérités, craignant que le curé ne les prenne pour des mensonges. Comment avouer qu’il ne cessait de piller le garde-manger parce qu’il mourait de faim? Comment s’accuser de se battre avec les autres ouvriers quand il n’avait aucune contrition et aucune intention de ne pas recommencer? Depuis qu’il était chez M. Bergeron, toutes ses confessions étaient mensongères et il ne voyait pas comment il pouvait s’accuser de mal se confesser. Il en avait même oublié la signification du mot «générosité».
    La messe touchait presque à sa fin et Jan ne cessait de regarder l’arrière de la tête de Bergeron, devinant tous les gestes qui, pour lui, étaient des parodies de piété. Il le voyait incliner la tête et faire signe de croix sur signe de croix, comme s’il voulait bénir chacune de ses prières. En fait, Jan pensa que Bergeron se signait plutôt pour éloigner sa conscience qui semblait lui tournoyer autour de la tête comme une mouche d’étable. Jan en avait les mâchoires serrées par le mépris.
    Il s’empressa de sortir de l’église aussitôt que fut prononcé l’
Ite missa est
. Il voulait avoir franchi une bonne distance quand M. Bergeron le dépasserait en camion. Chaque dimanche, M. Bergeron lui empoussiérait le visage après avoir accéléré et klaxonné pour qu’il dévie de sa trajectoire, ce que Jan ne faisait jamais. M. Bergeron le frôla de si près que Jan regretta tout à coup de ne pas avoir été frappé.
    – Attention! Est-ce qu’il vous a touché?
    Jan leva les yeux et aperçut une dame qui lui parut assez vieille. Elle devait bien avoir trente ans.
    – Non.
    – Il m’a semblé qu’il vous avait frôlé.
    – Non.
    La dame s’approcha de lui et lui tendit la main. Jan ne broncha pas, ne comprenant pas la signification de son geste.
    – C’est vous qui jouez du violon?
    Jan fut très étonné. Les deux métis et M. Bergeron étaient les seuls à savoir qu’il jouait de cet instrument.
    – Pas souvent. Je suis trop fatigué le soir et mes compagnons préfèrent écouter la radio.
    Il se tut et tenta un petit salut de politesse avant de s’éloigner. La dame lui fit un sourire et lui emboîta le pas.
    – Je suis votre voisine. Quand le vent est favorable, je vous entends et je trouve que vous jouez très bien. Il ne m’a pas été difficile de déduire que vous étiez le violoniste.
    Jan la regarda et la remercia du compliment.
    – Si vous en avez le temps, je vous invite à venir chez moi, le soir. Nous pourrions faire un petit duo.
    – Vous jouez du violon?
    Jan était renversé. Il n’aurait jamais cru rencontrer une musicienne à Saint-Adolphe. Le cœur, attaqué de plaisir, se mit à lui battre.
    – Du piano. Mon répertoire n’est pas aussi avancé que le vôtre mais je peux jouer
Für Elise
et quelques autres pièces pas compliquées.
    Jan ne sut pourquoi, mais il n’avait cessé de sourire. Il sentit son cœur se calmer et sa respiration s’adoucir malgré le bon pas qu’il n’avait pas ralenti. Ils arrivèrent devant chez elle et elle s’apprêta à prendre congé.
    – J’aimerais bien que nous puissions parler musique et répertoire.
    – Aimez-vous l’opéra, madame?
    – Oui. Surtout Wagner. Et vous?
    – Je préfère les opéras italiens. J’ai effacé de ma vie tout ce qui est allemand.
    La dame avait cassé son sourire. Elle laissa retomber la main qu’elle s’apprêtait à tendre. Jan ne remarqua rien et la salua poliment.
    – Au revoir, madame.
    – Je ne pense pas. J’ai été rayée de votre vie.
    Jan la regarda en face. Comment l’allure germanique de cette dame avait-elle pu lui échapper? Il ne chercha même pas à s’amender et reprit son chemin sans ajouter un seul mot ni se retourner. Il avait une autre personne à détester.
    Mon cher Jan
,
    J’ai bien reçu l’argent que tu m’as expédié pour tenir ta promesse de me faire voir le dentiste. M. Dussault s’en était

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