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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Grégoire commencèrent à se tirailler, ayant emmêlé les lignes de pêche. Le père Villeneuve joua à Salomon, coupant le nœud et recommençant l’opération vers et hameçons.
    Le soleil avait atteint son zénith quand Élisabeth, plus que déçue de ne pas avoir encore vu son frère, servit le repas. Elle mit quand même de côté la portionde Jan, et, la chaleur ayant diminué leur appétit, y ajouta presque la totalité de celles des garçons.
    Vers quatorze heures, la lourdeur du temps devint insupportable. Villeneuve demanda discrètement à Élisabeth si elle voulait rentrer. Elle refusa net. Villeneuve s’inclina devant sa décision et annonça qu’il allait lire son bréviaire le long du rivage. Élisabeth le suivit des yeux jusqu’à ce qu’elle le perde de vue, puis elle offrit aux garçons de faire une sieste, ce qu’ils refusèrent énergiquement avant de tomber de fatigue. Elle s’appuya contre un arbre et essaya de lire encore une fois. Sans témoins, elle se permit de soupirer sa déception et son ennui. Elle n’avait pas de mots pour décrire le vide qu’elle ressentait après avoir imaginé le plaisir qu’elle et Jan auraient eu de partager un dimanche.
    Le père Villeneuve revint au moment où le ciel passait rapidement du bleu au gris et commençait à se charbonner. Élisabeth ramassa tous les restes du repas, tentant de plier la couverture en se battant contre le vent qui s’en amusait comme d’une grand-voile.
    – Vite, les enfants! Courez devant. Élisabeth et moi, nous allons porter la glacière, la couverture et les cannes à pêche.
    Les enfants déguerpirent sans se faire prier, le ciel s’étant mis à gronder comme un chien tentant de se désenchaîner. Élisabeth sentit la bave lui couler dans la figure.
    – C’est tout un orage, ça!
    Probablement attiré par les cannes à pêche, un éclair claqua juste au-dessus de leurs têtes. Ils ne prirent pas le temps de ranger leurs effets et s’agglutinèrent sur la galerie de la maison de M. Bergeron, cherchant uncoin que la toiture mitée gardait au sec. Philippe et Grégoire riaient aux éclats, davantage par bravade que par plaisir. Élisabeth, elle, était terrorisée. Depuis la guerre, elle n’avait plus jamais été capable d’apprécier éclairs et tonnerre, qu’elle trouvait sournois et criminels comme des bombardements. Déchirée par la panique, elle s’empêcha toutefois de crier ou de pleurnicher devant les enfants.
    Les champs déjà fauchés qui encadraient les bâtiments ressemblaient maintenant à une mer déchaînée, grise et rebondie. Philippe et Grégoire s’assirent le long du mur, et Élisabeth les enveloppa de la couverture.
    – C’est toute une aventure, hein?
    Elle espérait avoir un air joyeux, mais son ventre tremblait. Elle crut voir bouger les lèvres de Villeneuve et comprit qu’il n’était guère plus rassuré qu’elle et qu’il marmonnait certainement une prière. Ils entendirent, venant du fond du gouffre des champs, un bruit de moteur essoufflé. Élisabeth chercha à voir le tracteur et l’aperçut enfin, gris et boueux comme le sol. Elle ferma les yeux, ayant eu pendant quelques secondes l’impression de revoir un tank enlisé et abandonné.
    Puis l’horreur recommença. Un éclair déchira le bruit du tonnerre et atteignit une des formes détrempées qui se tenaient en équilibre sur le véhicule. Le feu prit dans le blé pendant que les autres silhouettes plongeaient sur la terre délavée. Élisabeth hurla et courut derrière le père Villeneuve qui venait de partir en courant vers le brasier bleu et rouge.
    – Jan! Marek! Jan! Marek!
    Élisabeth, mue par une peur incontrôlable, dépassa le père Villeneuve et fut la première sur les lieux de l’accident. Sous des traits fantomatiques, elle reconnutM. Bergeron. Continuant ses recherches, elle aperçut un autre des ouvriers, l’air complètement assommé. Elle vit enfin Jan, couché sur le dos, buvant la pluie à pleine bouche. Elle se rua vers lui et se laissa tomber à ses côtés.
    – Jan!
    Jan sortit de sa torpeur et regarda sa sœur, se demandant sérieusement s’il n’était pas mort.
    – Élisabeth? Oh! Élisabeth!
    La terre, de nouveau violemment attaquée, recommença à vibrer. Élisabeth aida son frère à se relever et l’entraîna vers ses quartiers. Du coin de l’œil, elle aperçut le père Villeneuve agenouillé à côté d’une masse noircie, administrant les derniers sacrements. Il revint

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