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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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yeux bridés par les coups de poing.
    – Non.
    Villeneuve regarda au ciel, essayant de comprendre le pourquoi de ce supplice volontaire.
    – Je t’emmène et je te promets de te trouver un meilleur emploi.
    – Non.
    Villeneuve décida de ne plus discuter et, repoussant Jan du bras, il s’avança vers le lit. Il attrapa un oreiller au passage, n’en conserva que la taie qu’il commença à remplir des effets pris dans les tiroirs de Jan. Ce dernier, le premier étonnement passé, lui retint le bras.
    – J’ai dit non.
    – Et moi j’ai dit oui.
    Jan lui arracha la taie d’oreiller et Villeneuve se demanda où Jan allait chercher sa force physique et sa capacité de récupération. Sans même réfléchir, il essaya de reprendre la taie et Jan le bouscula assez rudement pour qu’il tombe à la renverse sur le lit.
    – Jan, est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de faire?
    – Oui. Et vous, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous me demandez de faire?
    Villeneuve ne prit pas la peine de répondre, se releva et recommença à vider le chiffonnier.
    – Tu viens avec moi, Jan. Si je te laisse ici, tu vas être pris dans les serres du Malin. J’ai peur.
    De nouveau, Jan lui arracha la taie et la lança à bout de bras. Elle accrocha le coussin au passage, faisant voler la boîte à souvenirs avant de bondir sur l’étui à violon qui heurta violemment le sol. Le bruit de la chute ramena Jan à la réalité et il se précipita pour ramasser l’étui qui s’était ouvert. L’archet était resté coincé dans le feutre du couvercle, mais Jan dut ramasser le violon. Le père Villeneuve s’agenouilla à ses côtés et prit l’étuidans ses mains. Tous les crins de l’archet avaient été coupés. Jan approcha le violon qui, lui aussi, avait été mutilé. Il le confia à Villeneuve puis chercha à quatre pattes le contenu épars de la boîte de cigares. Il y déposa le toron fait des quatre cordes du violoncelle de son père. Villeneuve le regarda faire, reconnaissant dans le geste de Jan tout le recueillement du prêtre devant les objets sacrés. Il était certain que, s’il n’avait pas été là, Jan aurait baisé tous ses éclats de souvenirs. Jan ramassa ensuite l’étui à lunettes, qu’il ouvrit pour s’assurer que les yeux de son père n’avaient pas été davantage aveuglés.
    – Tu as un étui maintenant? Quand tu me les as montrées, tu les transportais dans un mouchoir.
    Jan fit oui de la tête avant de préciser que l’étui était un cadeau de M. Favreau. Il montra les lunettes à Villeneuve et expliqua l’histoire de la petite étoile, dans le coin gauche. Villeneuve l’écouta religieusement. Jan déposa l’étui dans la boîte, sous les cordes du violoncelle. Il recommença à chercher sur le plancher et se traîna sous le lit pour en ressortir empoussiéré, tenant un petit sac dans les mains. Il en montra le contenu à Villeneuve.
    – Sentez...
    Villeneuve sentit mais ne reconnut aucune odeur distincte.
    – Ça ne sent rien.
    – C’est parce qu’elle est sèche. C’est de la terre de Cracovie. Je l’ai prise dans la cour juste avant de partir. Élisabeth en a aussi.
    – Le dernier soir où j’ai vu ton père, Jan, il m’a demandé d’écouter et je n’ai rien entendu. Lui entendaitla rumeur de la guerre. Toi, tu me demandes de sentir, et je ne sens rien.
    – Peut-être parce que vous n’avez pas les sens d’un Polonais.
    – Tu as probablement raison. Je leur ai emprunté un morceau de langue, c’est tout.
    Jan se glissa de nouveau sur le sol et ramassa le livre dans lequel il avait mis à sécher des feuilles d’érable, à Montréal. Il tâta ensuite en aveugle dans tous les recoins. Il chercha pendant cinq bonnes minutes et Villeneuve essaya de l’aider.
    – C’est tout petit et vous n’avez pas les yeux d’un Polonais.
    Villeneuve se releva et s’assit sur le bord du lit, regardant les cordes sectionnées et tordues du violon, mais surtout le contenu de la boîte de cigares.
    – Je l’ai!
    Jan se releva et déposa la moitié de l’alliance de bois que Marek avait glissée au doigt d’Élisabeth. Villeneuve n’eut pas besoin d’explications. Pas plus qu’il n’en avait demandé pour les cordes du violoncelle. Il avait compris. Il reposa les cordes dans la boîte mais Jan les reprit et les frotta doucement. Villeneuve se demanda si elles produiraient un son de souvenance. Jan les recoucha sous les lettres de Favreau et prit la

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