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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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par la vie.
    La deuxième enveloppe, adressée à toute la famille, contenait une lettre de Villeneuve qui avait un ton de sage résignation. Il avait accepté la décision de ses supérieurs, mais il n’en regrettait pas moins son éloignement pour la période des réjouissances. «
Dieu, dans son immense bonté, a entendu mon chagrin et, en guise de consolation, m’a demandé de travailler et au collège et au jardin d’enfants. Je vois donc des enfants tous les jours et cela tient bien attaché le cordon qui me relie à vous tous et à celui qui va naître bientôt.»
Il les bénissait à distance, souhaitant que
«le souffle de Dieu vous trouve et qu’il ne soit pas trop froid en cette année sainte
…».
    Jan pensa qu’il ne lui avait jamais remboursé le prix des cordes neuves de son violon et des crins neufs de son archet. Il se promit de le faire en ouvrant fébrilement l’enveloppe expédiée par M. Favreau. Elle contenait une carte de vœux qui laissa échapper des paillettes argentées, arrachées à la toiture enneigée d’une crèche. M. et M me Favreau y avaient plié deux pages que Jan lut avec avidité. Il y avait plus de deux ans qu’il avait fait leur connaissance. Leur amitié, son respect et son admiration n’avaient fait que croître, progressant au rythme régulier de leurs contacts épistolaires. Il rentra à la maison d’un pas lent, laissant sa pensée chevaucher la buée qu’il exhalait.
    Le mois de janvier 1950 commença dans une espèce d’arrière-goût de tristesse. Élisabeth ne put venir pour le jour de l’An, pas plus que pour l’Épiphanie, le mauvais temps ne cessant d’attaquer le calendrier.M me Jaworska était allée passer les fêtes chez ses fils à East Selkirk et Anna n’avait pas voulu bouger, se sentant trop lourde et trop fragile pour entreprendre un déplacement, si court fût-il. Jerzy avait souhaité la réunion de tous les siens mais ils restèrent seuls, lui, Jan et Anna. Jan leur offrit un encadrement d’une photo prise par M me Jaworska durant la récolte, les représentant tous les quatre.
    – Je voudrais aussi, à partir d’aujourd’hui, payer pension. Je crois que M me Jaworska n’est pas forcée de me loger et de me nourrir.
    – Tu fais manger ma mère par ton travail, Jan.
    – Je veux bien, mais je serais plus à l’aise si je lui donnais un montant fixe chaque semaine.
    Jerzy avait regardé Anna puis son frère.
    – Je comprends ce que tu essaies de nous dire, mais moi, ça me fait peur. J’ai l’impression que tu ne te sens toujours pas de la famille.
    Jan haussa les épaules, un sourire aux lèvres.
    – Mais je suis de moins en moins de ta famille, Jerzy. À partir du mois prochain, je n’en serai presque plus. Ta famille, c’est ta belle-mère et tes beaux-frères. Mais c’est surtout Anna et le bébé qui s’en vient rapidement.
    Si février fit vieillir Jerzy d’un an, il le consola en lui remettant une clef pour l’éternité. Une toute petite clef rose qui arriva en pleine nuit sans qu’Anna ait eu le temps de pleurer de douleur. Jerzy s’était levé et avait retenu un cri de peur. L’espace d’un millième de seconde, il avait confondu les eaux d’Anna dans lesquelles il avait baigné et le sang dans lequel il s’était éveillé au mont Cassin. Il se fit d’âcres reproches. Comment avait-il été assez imbécile pour confondre mort et vie?
    Élisabeth fut retenue à Saint-Boniface une troisième fois et rata les réjouissances du baptême de Stanislas, le filleul de Jan. Étienne brava la tempête pour venir lui tenir compagnie. Elle tenait sur ses genoux une robe blanche et un petit couffin de tissu qu’elle avait confectionnés et brodés pour le baptême de son neveu. Elle ne cessait de nouer et dénouer les rubans, qui commençaient à laisser paraître quelques petites froissures.
    – Stanislas n’aura pas sa robe. J’avais promis de l’apporter.
    – Tu la leur donneras la prochaine fois, Élisabeth.
    Elle secoua la tête. Comment Étienne pouvait-il comprendre qu’à cause d’elle Jan n’avait pu offrir le vêtement du bébé, ce qu’un bon parrain devait absolument faire? Comment expliquer qu’ils devaient remplir le couffin d’argent afin que la vie soit bonne pour ce petit Pawulski? Elle déposa la robe et le couffin et alla soupirer à la fenêtre, secouant la tête d’incrédulité. Comment Étienne pouvait-il deviner qu’il était urgent qu’elle voie un bébé Pawulski et

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