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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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alors sans laisser son frère l’interrompre, lui disant combien il était heureux de le voir si bien marié et père d’un si bel enfant, et ravi de savoir qu’Élisabeth allait se marier.
    – Si tu savais combien elle a souffert.
    Il poursuivit en disant que lui-même n’avait qu’un rêve: retourner à Montréal pour s’y installer. Jerzy ne put plus tolérer le silence que son frère lui imposait.
    – Depuis quand est-ce que tu as ce rêve-là, Jan?
    – Depuis que j’ai fait la rencontre de M. Favreau et que j’ai visité la ville. Je ne suis pas un gars de campagne, Jerzy.
    – Tu es un excellent cultivateur.
    – J’ai toujours bien fait ce que j’avais à faire. Imagine ce que ce sera quand je vais faire ce que j’aime!
    – Tu n’aimes rien ici?
    – Sincèrement? Ce que j’ai le plus aimé, ç’a été de vendre les légumes au marché. J’aime vendre et discuter avec les gens.
    Jerzy ne parla plus. Jan essayait de lire les pensées que pouvait avoir son frère. Il était d’un calme bouillonnant et Jan savait que cela n’augurait rien de bon.
    «... Es-tu devenu fou, Jerzy?
    – Malgré tout mon respect, papa, je pense que tu n’exprimes que ton point de vue...»
    L’écho de la voix de son père résonnait encore dans le vide de Jerzy.
    – Je pense que notre père aurait souhaité que nous restions tous ensemble.
    – Peut-être le père que tu as connu. Celui dont moi je me souviens nous a fait partir de la maison sans lui.
    – Mais il était censé vous suivre et vous retrouver.
    – Ce n’est pas ce que le destin a voulu.
    Jan observa son frère à la dérobée. Jerzy souffrait tellement à l’idée de son départ que Jan en eut mal.
    – Mais je vais revenir souvent, Jerzy.
    – Quand? Tu sais très bien que dans le commerce il n’y a jamais de congé.
    – Je vais revenir pour la récolte. Garder cette habitude que papa nous a inculquée.
    – Penses-tu vraiment?
    – Évidemment.
    Jerzy hocha la tête et expira trois fois avant de se tourner et de regarder Jan dans les yeux.
    – Je ne veux pas que tu partes, Jan.
    «Je pars ce soir, papa.»
    – Je pars, Jerzy. Ne me complique pas les choses. C’est déjà assez difficile.
    – Si c’est difficile, reste.
    – Non.
    Jerzy s’impatientait de plus en plus. Jan se força à doubler ses appels au calme. Jamais il n’avait pensé que Jerzy userait de son autorité. Jerzy accéléra le pas, ce qui, il le savait fort bien, le rendait encore plus pathétique.
    – Jerzy, je vais être à bord du transcontinental mercredi soir.
    Jerzy accéléra encore, le violon ballottant au bout de son bras. Jan tenta de le suivre puis s’arrêta brusquement. Jerzy ne se retourna même pas et entra dans la maison. Jan marcha dans le champ et alla s’appuyer contre un épouvantail. Puis il entendit un cri venant de la maison. La voix d’Élisabeth qui criait «Non!» le glaça. Il la vit sortir de la maison à la hâte et se diriger vers lui en pleurant. Elle commença à courir dans le champ et Jan la revit, fragile, dans le champ de fraises. Il partit à sa rencontre et la prit dans ses bras pour la protéger.
    – Non, Jan! Oh non! Ne me fais pas ça!
    – Voyons, Élisabeth, cesse de pleurer. Tu le savais que je voulais rentrer à Montréal.
    – Mais je pensais que c’étaient des rêves de petit gars de dix-sept ans.
    Jan la regarda, renversé. D’abord, il avait dix-huit ans quand ils étaient arrivés au Canada. Ensuite, il n’avait jamais été un petit gars de dix-sept ans. À cet âge, il devait déjà survivre et la protéger.
    – La dernière fois que j’ai été un petit garçon, j’avais dix ans, Élisabeth. C’est le soir où Jerzy est parti
    – Tu as toujours été mon petit frère, Jan.
    – Non, Élisabeth. C’est toi qui as toujours été ma petite sœur. C’est ton grand frère qui part, Élisabeth, pas ton petit frère. Même maintenant, tu pleures comme si je t’abandonnais. Ton petit frère, c’était Adam. Ça n’a jamais été moi.
    Élisabeth desserra son étreinte et Jan se dirigea vers la maison. Aussitôt qu’il entra, il eut le sentiment qu’une mortalité venait de se produire. Il regarda le miroir et vit qu’il n’était pas voilé, ce qui le rassura. Jerzy gémissait, la tête sur la table. Anna, assise à ses côtés, tentait tant bien que mal de le consoler, tandis qu’un blême Étienne hochait la tête d’incrédulité devant la profondeur du drame. Jan monta à l’étage et

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