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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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qu’elle avait fait. Dès l’instant où elle avait entendu jouer Florence, elle avait eu un frisson dans le cou et avait compris que sa mère venait de soupirer. La vie lui donnait la chance de terminer l’œuvre entreprise par Zofia. Elle n’était pas loin de croire que son père avait expédié Jan à l’hôpital afin de la retenir à Montréal pour qu’elle immortalise la femme qu’il avait aimée.
    Florence sonna à la porte et Élisabeth descendit pour lui ouvrir. Florence bondit sur la première marche et monta l’escalier en courant devant Élisabeth. En arrivant à l’étage, Élisabeth lui caressa la tête, ce dont Florence avait horreur. Elle essuya une nouvelle rebuffade et en fut ravie.
    Jan appuya sur la sonnette et Michelle vint ouvrir, pas tout à fait assez rapidement pour qu’il se sente parfaitement rassuré. Il la trouva plus jolie que jamais dans sa petite robe fleurie à col blanc. Elle lui fit un sourire dont il se méfia. Il entra et la suivit dans le salon où l’attendaient M. et M me Dupuis de même que les deux frères aînés de Michelle. Jan se demandait ce qu’ils faisaient là, tout en leur serrant la main à tous. Celle de M. Dupuis lui sembla huileuse et fuyante. Celles des frères, presque provocantes tant elles avaient écrasé la sienne. Celle de M me Dupuis était hésitante et Jan espéra que ce fût parce qu’elle craignait d’égratigner son vernis rouge cardinal et non pour une autre raison.Il s’assit enfin aux côtés de Michelle et tenta un sourire auquel personne, sauf Michelle, ne répondit. Jan se racla la gorge avant de parler.
    – Michelle et moi, nous nous voyons tous les samedis soir et tous les dimanches après-midi depuis le mois de décembre.
    – On sait ça.
    M. Dupuis avait parlé d’un ton qui laissait entendre un profond désaccord. Jan se demanda s’il avait mal compris la famille Dupuis. À Cracovie, on ne permettrait jamais à un jeune homme de son âge de fréquenter une jeune fille s’il n’avait pas d’intentions sérieuses. Il jeta un coup d’œil à la dérobée en direction de Michelle et vit qu’elle avait cessé de sourire.
    – Michelle et moi, nous avons pensé qu’il était peutêtre temps de nous marier.
    – Peut-être que vous avez pensé ça, mais pas nous.
    Jan tenta de conserver son calme avant de demander pour quelles raisons ils semblaient avoir fait volte-face.
    – Parce que j’aimerais mieux que ma seule fille marie quelqu’un de chez nous.
    – Je suis de chez vous.
    – Pas avec cet accent-là.
    Jan se sentit rougir. S’il avait un accent, c’était davantage un accent français qu’un accent polonais. Ses parents et les jeunes filles au pair lui avaient enseigné une langue apparentée beaucoup plus à celle de Paris qu’à celle de Montréal – du moins l’avait-il toujours cru. M me Dupuis grimaça un peu puis osa quelques mots que Jan trouva assez déplaisants.
    – Jan, c’est bien parce que tu es venu livrer l’épicerie ici que tu as rencontré notre Michelle.
    – C’est vrai, mais je l’avais souvent remarquée à l’église.
    Il espéra les avoir ébranlés en leur rappelant leur foi commune. M. Dupuis secoua son cigare dans le cendrier et Jan vit tomber un long morceau de cendre roulé qui lui rappela un étron. Cela le dégoûta et il se jura de ne jamais fumer le cigare. Michelle s’agitait à ses côtés et Jan lui prit la main discrètement pour la rassurer devant les yeux presque choqués de ses parents.
    – Avez-vous eu votre papeterie toute votre vie, monsieur Dupuis?
    Jan se sentait affolé et il espérait que cette diversion l’aiderait.
    – Non. J’ai commencé à l’entrepôt des papiers Rolland mais j’ai toujours aimé le papier. J’ai monté mon commerce à la force des bras. Il faut de l’ambition et de la persévérance dans la vie.
    Jan regarda M. Dupuis et se demanda comment celui-ci avait pu être sourd à tout ce qu’il lui avait dit depuis qu’il fréquentait Michelle. Il avait parlé de son désir de posséder sa propre épicerie, ambition encouragée par M. Favreau. Il avait cependant occulté sa vie en Pologne et sa fuite à travers les Carpates. Il n’avait jamais cru pertinent de parler des squelettes qui habitaient encore son cœur et ses rêves. Pour quelle raison aurait-il parlé de la perspicacité et de la tolérance de son père devant un homme aussi buté et sans jugement? Pourquoi raconter le grand talent musical de sa mère devant une

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