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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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parce qu’elle est morte. Ce n’était pas une de mes amies. Juste une petite fille de mon école.
    – Qu’est-ce qui t’inquiète, Florence?
    – Le cercueil.
    – Le cercueil?
    – Oui, le cercueil. On nous a préparées aujourd’hui et on nous a tout dit. On nous a dit, pour la morte couchée avec un chapelet et une belle robe. On nous a dit, pour les fleurs dans des pots en papier mâché blanc. On nous a dit qu’il ne fallait pas trop regarder la maman et le papa qui allaient pleurer beaucoup. On nous a expliqué que le cercueil serait ouvert pour qu’on la voie et qu’il serait fermé avant les funérailles pour qu’on ne la voie plus. Moi, j’ai demandé comment il était fait, le cercueil, et on m’a dit qu’il était doublé d’un tissu doux et qu’il se fermait comme une porte. Il paraît que ça se ferme par le dessus. Comme ça.
    Florence imita à la perfection la fermeture d’un cercueil et éclata en sanglots.
    – Je ne veux pas y aller, Élisabeth.
    Élisabeth ne savait comment lui dire qu’elle n’était pas forcée d’aller au salon funéraire, pas plus qu’elle ne savait comment lui demander les raisons de ce soudain chagrin.
    – Je ne veux pas voir le cercueil, Élisabeth.
    Florence prit son étui et, devant Élisabeth, l’ouvrit et le ferma lentement. Élisabeth reconnut le geste de la fermeture du cercueil.
    – Je ne veux pas parce que je ne veux pas penser que mon violon peut être mort dans sa petite boîte. Tu m’as dit qu’il dormait, que c’était son lit. On nous a dit que la mort c’était comme dormir toujours. Sans jamais se réveiller. J’ai peur pour mon violon.
    Elle éclata dans de nouveaux sanglots qui émurent Élisabeth aux larmes. Élisabeth lui parla alors de sonviolon qui était resté en Pologne à attendre qu’on le réveille. Elle lui raconta que son frère était allé le chercher et qu’aussitôt dans ses bras le violon avait recommencé à jouer. Que son violon avait traversé l’Atlantique sans avoir le mal de mer et qu’ils s’étaient retrouvés, elle et lui, au Manitoba.
    – Un violon, ça ne meurt pas, Florence.
    – Oui, ça peut mourir.
    – Seulement dans un accident.
    – Comme un feu?
    – Comme un feu.
    Florence demeura songeuse et demanda s’il était prudent qu’elle dorme le soir. Élisabeth la gronda gentiment en lui rappelant que son violon jouerait très mal si elle était fatiguée. Cela réussit à convaincre Florence de dormir sur ses deux oreilles et essuya son chagrin. Élisabeth la regarda longuement, fascinée plus que jamais par la sensibilité de Florence et son éternel pouvoir de rendre son violon responsable de tous ses états d’âme. Elle lui frotta le dessus de la tête, aussitôt réprimandée parce qu’elle avait déplacé ses nattes.

59
    Jan entra, visiblement nerveux. Il s’empressa de se faire une toilette pendant qu’Élisabeth achevait la préparation du souper. Il vint s’asseoir, endimanché même si c’était un samedi, et prit la peine d’enfiler un tablier, ne voulant pas souiller sa cravate ou sa chemise. Élisabeth le regarda en souriant. Les vingt-deux ans de son frère lui allaient à ravir.
    – C’est pour ce soir?
    – Oui.
    Jan aspira prudemment sa soupe après avoir soufflé à trois reprises sur sa cuiller. Il picora son steak et, n’eût été son opinion sur le gaspillage de nourriture, il en aurait laissé la moitié dans son assiette. Il bondit plus qu’il ne se leva, enfila un veston et salua sa sœur, si distraitement qu’Élisabeth en fut presque mortifiée. Depuis que ses amours avec Michelle n’étaient plus un secret pour personne, Jan semblait avoir oublié qu’il avait une sœur. Élisabeth se réjouissait de son bonheur mais regrettait parfois le temps où ils n’étaient que deux à se protéger des humeurs de la vie. En attendant son retour, elle laissa déraper ses pensées jusqu’à Ottawa où était Étienne. Ils avaient mis fin à leur relation avec calme et Étienne lui avait écrit avoir fait la connaissance d’une autre jeune fille, qui, selon ses dires, serait tout son contraire. Élisabeth en fut blessée, non pas parcequ’il avait rencontré une autre personne, mais parce qu’il semblait heureux qu’elle soit aussi différente d’elle. Élisabeth soupira en se demandant comment elle parviendrait à rencontrer un homme qui comprendrait qu’une femme reporte un mariage, lui préférant le génie d’une enfant. Parce que c’est ce

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