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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Sachant que son fils ne comprendrait pas un mot de ce qu’il dirait, il lui raconta néanmoins que ce monument avait été fabriqué à Paris et que, au moment où on l’avait mis sur un bateau pour l’expédier, la guerre avait éclaté.
    – Crois-moi ou non, mon fils, le navire a été réquisitionné pour le transport du matériel et des troupes. Le pauvre petit garçon, doré et tout nu, est arrivé ici en août 1919, après que ses cinq tonnes eurent servi de lest pendant cinq ans.
    Jerzy eut l’irrationnelle conviction que Stanislas écoutait religieusement ses propos et il s’enhardit. Seul un bébé intelligent comme le sien pouvait si bien comprendre.
    – Stanislas, tu as devant toi un rat de cale. Fais-lui quand même le salut militaire, parce qu’il a affronté courageusement tous les mauvais temps. Ceux de l’océan et ceux de l’Europe.
    Jerzy prit la main droite de Stanislas et le fit saluer. Stanislas se mit à pleurer, ce qui saisit Jerzy, qui jeta un coup d’œil à la coupole et remarqua soudainement la ressemblance entre la tête dorée et bouclée de son fils et celle de la statue. Il repensa à la description que lui avait souvent faite Élisabeth de la tête de ce frère qu’il n’avait vu que sous les jupes de sa mère, gonflées de maternité, et il eut un accès de tristesse. Tenant Stanislas dans ses bras, il lui chuchota à l’oreille qu’ils pouvaient tous les deux s’entendre pour baptiser le petit garçon doré, qui ne cessait de courir haut dans le ciel, «oncle Adam», et lui promettre de venir le visiter tous les ans, le jour de Pâques. Jerzy s’étonna d’avoir enterré son frère en ce jour de résurrection et de lui avoir inventé un cénotaphe paré de dorure. Stanislas s’endormit dans ses bras et n’eut jamais conscience d’être remonté dans un autobus, s’éveillant à peine lorsque son père ouvrit la portière de l’automobile pour l’installer sur sa couverture.
    Ils reprirent la route de Saint-Norbert, mettant près d’une heure pour atteindre la maison. Une voiture vert foncé était garée devant la porte. Jerzy entra, mais la maison était vide. Il ressortit, tenant toujours Stanislas dans ses bras.
    – Anna? Anna!
    Il parcourut les bâtiments et ne trouva personne. Il se dirigea ensuite vers la rivière et aperçut enfin Anna et un homme. Ne pouvant distinguer les traitsde l’homme, il s’approcha. Anna avait le sourire aux lèvres quand il reconnut le père Villeneuve.
    – Mon Dieu!
    – Pas encore, jeune homme. Même pas évêque.
    – Mais c’est vraiment le jour de la Résurrection! Êtes-vous de passage ou êtes-vous revenu à Winnipeg?
    – De passage, hélas!
    Le père Villeneuve s’approcha de Jerzy silencieusement et se pencha sur Stanislas qui dormait toujours. Il eut un regard attendri devant cet enfant qu’il n’avait vu qu’en photographie. Anna prit son fils et Villeneuve fit l’accolade à Jerzy avant de tendre les bras vers Anna et d’enfin tenir le petit-fils de Tomasz et de Zofia.
    Villeneuve resta pour le souper, évitant visiblement de parler d’Élisabeth et de Jan, au grand déplaisir d’Anna qui aurait voulu l’entendre ramener Jerzy à la raison. Il parla davantage de son nouveau travail, de Gravelbourg et de la survie du français. Seul Jerzy semblait captivé par ces propos, Anna étant trop déçue pour s’intéresser à une langue qu’elle comprenait un peu mais ne parlait presque pas.
    – Qu’est-ce que tu en penses, Anna?
    – De quoi?
    – Penses-tu que nous irons un jour à Gravelbourg visiter le père Villeneuve?
    – Je pense que j’aimerais mieux qu’il se joigne à nous à Winnipeg et que nous fassions un voyage à Montréal.
    Un malaise s’installa au moment où Anna versait le café. Elle n’ouvrit plus la bouche, espérant que Jerzy réagirait à ses propos. Seul Villeneuve sembla troublé,mais il se contenta de la féliciter pour le bon goût du café. Elle le remercia d’un sourire contrit et enfila un tablier pour commencer la vaisselle et ainsi s’éviter le martyre de la conversation. Villeneuve se leva enfin et annonça qu’il devait partir.
    – Vous devriez dormir ici.
    – C’est compliqué. Il faut que je chante la messe de sept heures demain matin.
    – C’est quand même possible. Même en partant d’ici assez tôt, vous auriez le temps de regarder Stanislas avaler son gruau.
    Villeneuve parut hésiter et regarda Anna qui ne sembla pas l’encourager à rester. Il

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