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Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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légère agitation envahir la salle dans laquelle il logeait. Il ne s’en occupa pas, trop absorbé à rêver son proche avenir. Ses pensées étaient cent fois plus agréables à contempler que toutes les raisons qui pouvaient agiter ses copains.
    – Jerzy?
    La voix de son infirmière de jour le fit chuter sur terre. Il avait souvent pensé à elle, se demandant si elle aimerait vivre sur une ferme de Wezerow, en Pologne. Souvent, dans ses rêves les plus fous, il la voyait dans le potager des Porowscy. Elle plantait les pommes de terre ou sarclait les rangs d’oignons tout en lui parlant. S’ils prenaient un peu de répit, elle l’écoutait jouer du violon comme il le faisait avec M. Porowski.
    – Jerzy? Est-ce que vous dormez?
    Comment lui faire croire qu’il pouvait dormir par une journée si importante? Le matin où il avait enfin décidé de son avenir.
    – Non.
    L’infirmière se pencha et lui mit une main sur le front pour sentir s’il était encore fiévreux. Jerzy ferma les yeux le temps d’un battement, et imagina qu’elle aussi était amoureuse.
    – Je crois que vous êtes revenu des limbes pour rester avec nous.
    Elle lui tourna le dos et sortit de la salle pour y revenir presque aussitôt, cachant difficilement quelque chose derrière son dos. Jerzy commença à sourire. Quelle délicate attention elle avait eue de lui apporter des fleurs! Parce qu’elle tenait des fleurs, il en était certain. Oui, elle était amoureuse.
    – J’ai pensé que vous pourriez vous désennuyer avec ceci.
    Elle lui tendit un violon. Jerzy en oublia les pétales tant il était stupéfait. Il parvint enfin à s’asseoir et il commença à accorder l’instrument, du mieux qu’il put. C’était un instrument au son affreux et dont la seule qualité était la patine des essences de bois. Jerzy était si touché qu’il versa une larme fort incommodante devant ses deux copains qui, tous les deux, regardaient le sol pour lui permettre de se ressaisir. L’infirmière, Pamela, était radieuse et elle insista pour qu’il joue quelque chose.
    – Je suis trop rouillé.
    – Ouais. Tu es peut-être rouillé des jambes mais tu ne joues pas avec tes pieds, enfin, j’espère.
    – Jouez, s’il vous plaît.
    Jerzy demanda à Pamela de l’aider à se lever. Il se mit debout et, les reins appuyés contre le lit, il produisit quelques notes un peu grinçantes non pas à cause de lui mais surtout à cause de la piètre qualité de l’instrument. D’entendre le violon pleurer de plaisir l’émut au plus haut point et il voulut embrasser Pamela, qui le repoussa gentiment.
    – Ce violon a appartenu à mon grand-père.
    – Il était violoniste?
    – Ce serait plus juste de dire «violoneux». Vous pouvez vous en servir tout le temps que vous serez ici.
    Jerzy fut chagriné. Il avait cru qu’elle lui avait offert le violon et non prêté, mais il se ressaisit rapidement. Pamela ne pouvait quand même pas lui donner ses souvenirs.

24
    Tomasz et Zofia n’arrivaient pas à dormir. Schneider était rentré dans la soirée et leur avait dit qu’il était préférable qu’ils quittent Cracovie par le premier train le lendemain matin. Il avait ajouté, sans donner d’explications, que lui-même laisserait bientôt la chambre.
    Tomasz détestait toujours autant cet homme qui ne dévoilait jamais le fond de sa pensée et passait la moitié de son temps à les inquiéter. Flairant un piège, il lui avait demandé par trois fois la raison de cette requête, mais jamais il n’avait obtenu de réponse. Il s’était donc couché près de Zofia, et ni l’un ni l’autre ne réussissait à dormir. Ils entendaient marcher Schneider dans sa chambre.
    – Cet homme me glace le dos, Zofia. J’ai hâte de ne plus le voir.
    – Moi, il me laisse perplexe. Il n’a jamais fait quoi que ce soit…
    – Cesse de l’excuser, Zofia. Il est Allemand, il a réquisitionné une chambre chez nous…
    – Est-ce que tu as compris pourquoi?
    – Non. Jamais. La seule raison plus qu’improbable que j’aie pu trouver, c’est qu’il voulait faire de la musique.
    – Ça m’a aussi effleuré l’esprit mais je me suis dit qu’il devait y avoir plusieurs Allemands avec lesquels il aurait pu jouer.
    – La vraie réponse, à mon avis, c’est que c’était pour surveiller de près notre réseau de correspondance que nous avons heureusement confié à d’autres. Quant à l’université, je ne pense pas qu’il ait jamais remarqué…
    –

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