Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Même les oiseaux se sont tus

Titel: Même les oiseaux se sont tus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
Vom Netzwerk:
ils travaillent.
    – Ton père nous l’a expliqué des centaines de fois, Élisabeth. Quant au prétexte, frappe aux portes et demande à ceux que tu vois s’ils ne veulent pas un ensemble à cordes pour Noël. Jusqu’à ce qu’on t’expulse.
    – Jamais, maman. Je n’ai absolument pas l’intention de jouer pour eux à Noël. Quand même...!
    – Ce n’est pas une question d’intention, ni de goût, ni d’envie. C’est une question de savoir si ton père et ton frère ont été arrêtés ou non.
    Zofia avait parlé sur un ton qui n’admettait plus aucune réplique. Élisabeth la fixa longtemps avant de disparaître dans sa chambre en claquant la porte. Adam, étonné, la suivit.
    – Pourquoi est-ce que tu cries, Élisabeth?
    – Je ne crie pas, je fais des vocalises.
    – Je ne te crois pas. Des vocalises, c’est comme ça.
    Il commença à chantonner des «ah» de plus en plus stridents. Agacée et à bout de nerfs par la nuit blanche et la journée noire qu’elle avait vécues, Élisabeth se tourna et le talocha. Adam demeura bouche bée et regarda sa sœur comme s’il la voyait pour la première fois. Il ne pleura pas et ne poussa pas de cri non plus. Élisabeth le prit aussitôt dans ses bras et le bécota en lui demandant mille pardons.
    – J’aime mieux les grandes personnes comme papa, maman et
Herr
Schneider. Au moins, lui, il n’est pas impatient.
    – Ton
Herr
Schneider veut nous faire tuer!
    Élisabeth se repentit aussitôt d’avoir dit une telle chose à un enfant si petit. Cette fois, Adam avala un sanglot et ne se gêna nullement pour défendre son ami.
    – Tu as raison, Adam. Il est vraiment très, très gentil,
Herr
Schneider.
    Zofia entra dans sa chambre et lui demanda si elle avait fini de se préparer.
    – Je veux que tu partes tout de suite, Élisabeth.
    – Mais, maman, je n’ai vraiment rien à faire là-bas.
    Zofia demeurait imperturbable. Élisabeth, furieuse de voir que sa propre mère ne craignait pas de l’exposer à l’ennemi, enfila un lainage plus qu’usé puis un manteau élimé et s’apprêtait à sortir lorsque la porte s’ouvrit brusquement devant Jan, à bout de souffle. Il regarda sa mère, sa sœur et son frère et se laissa glisser d’épuisement le long du mur. Élisabeth s’empressa d’aller lui chercher un verre d’eau, qu’il but à petites gorgées tant sa gorge était serrée par la crainte et l’émotion. Dès que Jan eut réussi à se calmer, Tomasz arriva à son tour et éclata en sanglots en apercevant Zofia, qui fit la même chose en lui tombant dans les bras.
    – J’ai eu tellement peur, Tomasz. Nous saurons quoi dire à Dieu à la messe de Noël.
    Tomasz demeura muet. Sa frousse ne s’était pas encore estompée. Les Allemands travaillaient en furie et leur crainte de perdre la guerre les rendait de plus en plus imprudents et de plus en plus terrifiants pour les Polonais. Ce soir-là, Adam fut encore le seul à pouvoir avaler une bouchée, les autres membres de la famille étant tous tapis dans leur frayeur non digérée.
    Le soir du 16 décembre, peu avant le couvre-feu, quelqu’un frappa à la porte sans avoir été annoncé par M me Grabska, qui devait s’être assoupie. Tomasz décida d’ouvrir et ordonna aux autres membres de sa famille de s’éloigner. Si on tirait des coups de feu, il préférait les recevoir tous. Tout en pensant ainsi, il savait bien que personne ne tirerait, la porte n’ayant pas été défoncée. Il se trouva devant une personne qu’il avait déjà croisée dans la rue.
    – Professeur Pawulski?
    La conversation fut tristement brève. On les avait longuement cherchés parce qu’il semblait qu’ils recevaient souvent un vieux paysan qui, tout l’été, s’était déplacé en portant des sacs. Cet homme avait été assassiné en pleine rue, le dimanche précédent.
    – Par qui?
    – Par des soldats en uniformes.
    – Est-ce parce qu’il transportait de la nourriture?
    – Peut-être. Il n’en restait plus rien, les mitraillettes se sont servies les premières.
    Tomasz fut néanmoins soulagé d’apprendre que Porowski n’avait pas poussé un seul cri et qu’il n’avait pas souffert. Les Pawulscy se sentirent responsables de la mort de leur ami et pleurèrent, inconsolables, Tomasz au travail, Zofia à la maison. Jan dans les cuisines, frottant consciencieusement les assiettes des Allemands avant d’y cracher copieusement et de laisser sécher son crachat. Quant à Élisabeth, elle prit

Weitere Kostenlose Bücher