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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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c’est, Washington Amérique ?
    — Enos dit que c’est un endroit sans mur, sans poux et avec
    des kilos de patates.
    Tendant la main, Janina a effleuré le socle en pierre. Puis
    elle l’a frappé.
    — Je t’aime pas ! a-t-elle déclaré à l’ange.
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    Nous sommes rentrés.
    J’espérais que nous ne tomberions pas en pleine revue, une
    nouvelle fois. Ça n’a pas été le cas. Par contre, il y a eu autre
    chose. Tapis dans l’ombre, nous avons distingué une lueur
    orangée à un carrefour. Avons entendu un son étrange. Pareil à
    une violente rafale de vent. Nous nous sommes approchés en
    catimini. Je n’en ai pas cru mes yeux. Un homme mettait le feu.
    Celui-ci s’échappait d’une lance, tel un tuyau d’arrosage
    incendiaire, inondant une bouche d’égout.
    Enos !
    Ferdi !
    Olek !
    C’est en courant que nous avons rejoint la maison. Je n’ai
    pas réussi à dormir. Au petit matin-Janina ronflait –, je me suis
    précipité à la boucherie en ruines. Ils étaient là. Au complet. Je
    leur ai raconté ce dont j’avais été témoin.
    Ferdi a craché un rond de fumée.
    — Un lance-flammes, a expliqué Olek.
    — Ils commencent à sévir, a ajouté Enos.
    — Vous feriez mieux de m’accompagner, les rats d’égout, a
    renchéri Kouba. Et puis, les égouts, ça pue.
    — Ils ne peuvent pas surveiller toutes les canalisations, a
    répliqué Enos. D’ailleurs, un lance-flammes, ça ne tire qu’à
    vingt mètres.
    — C’est somptueux, ai-je dit.
    Tous m’ont dévisagé, interloqués. J’en aurais fait autant si
    ç’avait été possible. J’ignorais d’où je tenais ce mot. Mais c’était
    bien ça. Lorsque la flamme orange vif avait déchiré la nuit,
    m’était apparue en un éclair et pour la première fois
    véritablement la grisaille du monde dans lequel je vivais.

    132

30

    Je n’ai pas réussi à empêcher Janina de me suivre. Et nous ne
    pouvions manger les chevaux du manège ou l’ange de pierre.
    C’est ainsi que, très vite, nous nous sommes remis à voler de la
    nourriture. Puis un événement s’est produit, qui m’a soulagé.
    C’était une journée chaude. Torride. Janina et moi nous
    trouvions près de l’entrée du cimetière, dans la rue Gesia. Nous
    contemplions le long défilé des charrettes de cadavres alignées
    devant la barrière. Les carrioles étaient tirées par des hommes-
    chevaux. Les corps étaient en tas. Leur nombre dépassait
    largement mes capacités en calcul, à l’époque. Un nuage poivré
    de mouches bourdonnait au-dessus des bras et des jambes
    ballants, assourdissant.
    Très peu de vivants accompagnaient les défunts. Sauf pour
    les haillons qu’ils portaient et le fait qu’ils se tenaient debout, ils
    ressemblaient aux cadavres. Une vieille s’accrochait à une
    cheville dépassant d’un tas. Un Bouse en poste à la barrière
    collectait l’argent. Seuls les morts entraient gratuitement au
    cimetière.
    Nous avons entendu un charivari. Nous fiant à nos oreilles,
    nous nous sommes retrouvés à un carrefour. Il y avait là des
    Bottes Noires, des Bouses et de jeunes garçons. Un des Bouses
    était Buffo. Les passants regardaient. Je crois qu’ils n’en avaient
    pas envie, mais les Bottes Noires les menaçaient de leur fusil.
    Au milieu de la place, il y avait aussi une pile d’oignons – j’en
    distinguais l’arôme.
    Un Bottes Noires ouvrait les vestes des garçons, et les
    oignons dégringolaient. Les gars semblaient tous avoir le même
    problème : ils étaient bossus. Sauf que leur bosse était
    constituée d’oignons.
    Une fois toutes ces bosses vidées, le Bottes Noires a
    interpellé la foule :
    — Nous vous dire ! Pas contrebande ! Nous vous dire !
    133

    Sur ce, les Bottes Noires et les Bouses se sont mis à frapper
    les jeunes voleurs avec leurs gourdins. Les casquettes des gars
    ont voltigé, ils ont crié, se sont affaissés, saignant au milieu des
    oignons. Les gens contemplaient le spectacle sans broncher.
    J’ai tiré Janina en arrière.
    — Tu vois ? lui ai-je dit en lui serrant le bras et en la
    secouant. Regarde ce qui arrive à ceux qui volent à manger !
    T’as envie que ça t’arrive aussi ?
    — Je te déteste ! m’a-t-elle hurlé au visage.
    Se dégageant, elle s’est enfuie.
    — Bon, ai-je pensé, elle a enfin compris la leçon. Et, toute la
    journée, j’ai cru être débarrassé de cette peste. Voulant m’en
    assurer, j’ai parlé à son père. Lui ai raconté qu’elle me suivait

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