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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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Janina
    mélangeait le sien au mien. Chaque jour, M. Milgrom me
    remerciait. Pas elle, car il la croyait sagement endormie dans la
    chambre. Elle n’en a jamais pris ombrage.

    Pour mettre un terme à la contrebande, les Bottes Noires
    ont expédié plus de patrouilles et de chiens dans le ghetto. La
    nuit résonnait de tirs. De hurlements. Y palpitaient les lueurs
    orangées des lance-flammes. Je n’avais pas peur. L’obscurité
    n’avait pas disparu. Quant à Buffo, il semblait bien qu’il ne
    sortait que le jour.
    Une fois, nous étions tous deux endormis. Il avait été plus
    difficile que d’ordinaire de trouver de la nourriture au Paradis la
    nuit précédente, nous n’avions regagné la pièce qu’à l’aube.
    Nous avons sommeillé un peu avant de ressortir ensemble.
    Nous avons joué au mikado dans la poussière de la cour, puis
    sommes partis écumer les rues. Comme d’habitude, je guettais
    le moindre signe de Buffo ou de la vache mystérieuse, mais le
    bourdonnement des mouches et la chaleur avaient fini par
    éroder mon attention. J’étais somnolent. Titubant dans une
    sente, je m’y suis affalé. Naturellement, Janina m’a suivi.
    Quelques instants plus tard, je dormais.
    J’ai été réveillé en sursaut par les braillements de Janina.
    Un tas de haillons s’éloignait mollement, nu-pieds. Janina
    récupérait son soulier, par terre.
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    — Il a essayé de me voler ma chaussure, a-t-elle piaillé,
    indignée.
    — Il a cru que t’étais morte ! me suis-je esclaffé.
    — Je suis pas morte ! a-t-elle hurlé à l’intention du tas de
    guenilles.
    Elle s’est rechaussée, me gratifiant d’un regard peu amène.
    — Qu’est-ce que c’est que ça ?
    J’ai suivi des yeux la direction de son doigt. Une cosse brune
    d’où s’échappait des fibres blanches s’accrochait à ma chemise.
    Tout à coup, le mot pour désigner cette graine, un mot que je ne
    croyais pas connaître, est sorti tout seul.
    — Du lait d’âne9, ai-je répondu.
    Elle a arraché la cosse à mon vêtement. L’a portée à la
    lumière. S’est caressé le nez avec en riant. A balayé les doux
    flocons sur sa joue en fermant les yeux. L’a soulevée aussi haut
    que possible en se mettant sur la pointe des pieds. L’a lâchée.
    Elle s’est envolée dans le ciel.
    — C’est elle, mon ange ! a-t-elle décrété.
    Soudain, il y en avait partout autour de nous. Des flocons de
    laiteron qui voltigeaient. J’en ai ramassé un dans les cheveux de
    Janina.
    — Regarde ! ai-je dit.
    La plante poussait près d’un tas de décombres.
    La seule vision d’une mauvaise herbe était enivrante. C’était
    une touche de vert dans le désert du ghetto. Les cosses en forme
    d’oiseaux explosaient, libérant leurs fibres qui s’envolaient.
    Arrachant une des graines à sa tige, j’ai soufflé dans sa fente
    bordée de soie, expédiant en une pluie de neige ascendante les
    flocons restants qui se sont confondus avec les nuages.

    9 Laiteron maraîcher (Sonchus oleraceus) : plante très courante aux tiges creuses, aux
    feuilles minces, molles, dentelées et vert foncé, aux fleurs jaune d’or et à la sève
    laiteuse. Dit aussi lait d’âne, liarge, palais ou laitue de lièvre, chardon blanc, chardon
    du lièvre.
    137

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HIVER

    Une feuille morte a glissé sous la lumière de la lune tandis que
    je me faufilais de l’autre côté du mur. J’ai retiré mon brassard.
    Je savais que Janina était quelque part derrière moi. En cette
    nuit au froid mordant, les rues de Varsovie étaient presque aussi
    désertes que celles du ghetto, mais l’hôtel du chameau bleu
    restait illuminé et chaud.
    Alors que je tournoyais dans la porte tambour, un éclat de
    cheveux roux a illuminé le hall. Effectuant un deuxième tour, je
    me suis arrêté à l’intérieur. C’était Youri ! Il portait de beaux
    vêtements – chemise blanche, pantalons noirs, chaussures. Je
    l’ai observé un moment. Il vidait des cendriers dans une
    poubelle à roulettes qu’il poussait çà et là dans le hall.
    — Youri !
    Il ne m’a pas entendu. Il s’est éloigné en direction d’un
    couloir, à l’opposé de moi.
    — Youri !
    Je lui ai couru après. Quand je suis arrivé au fond du hall, il
    avait disparu. J’ai continué mon chemin, inspectant les pièces
    sombres donnant sur le corridor. Soudain, j’ai décollé du sol.
    J’ai volé dans une des pièces. La porte s’est refermée en
    claquant. Je n’y voyais goutte, mais j’ai

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