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Même pas juif

Même pas juif

Titel: Même pas juif Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jerry Spinelli
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toi, a-t-il chuchoté. Des trafiquants de nourriture. Tu
    dois cesser tout de suite.

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    J’ai continué. En revanche, j’ai essayé d’en empêcher
    Janina. La fois suivante, je me suis arrêté tout net.
    — Rentre ! lui ai-je ordonné.
    — Non.
    — Ton père veut que tu arrêtes. Il sera furieux, s’ils te
    fusillent.
    — Non.
    — Ils te pendront.
    — Non.
    — Tu me gênes. T’es qu’une sale juive.
    — Toi-même. Non.
    Je distinguais à peine ses traits, dans l’obscurité. Je l’ai
    giflée. Sans lui laisser le temps de me rendre la pareille, je l’ai
    jetée à terre. Elle s’est relevée, s’est ruée sur moi. Je l’ai frappée.
    Repoussée. Frappée encore. Elle pleurait. Je l’ai abandonnée, je
    suis parti. Elle ne m’a pas suivi. Elle s’est mise à brailler :
    — Misha va au mur ! Misha trafique ! Misha fait de la
    contrebande !
    Au loin, un sifflet a retenti. Revenant sur mes pas à toute
    vitesse, j’ai plaqué ma main sur sa bouche.
    — D’accord, ai-je cédé. D’accord.
    Je lui ai tiré les cheveux. Son hurlement a résonné dans la
    cour. Le sifflet a déchiré la nuit. Nous avons déguerpi.

    129

29

    Nous avons réussi à rejoindre le mur, avons pratiquement
    plongé dans mon trou. Mais, cette nuit-là, nous n’avons rien
    pillé. Je m’étais persuadé que, tant que nous ne volerions pas de
    nourriture, Janina serait en sécurité. Elle n’arrêtait pas de me
    harceler tandis que nous passions devant les maisons :
    — Entrons ici… Là…
    Pour lui changer les idées, je l’ai conduite au manège. Il
    était sombre et désert. Les gens dormaient. Au loin, un
    lampadaire éclairait quelques chevaux bondissants. Il n’y avait
    pas de musique, pas de ronde, et pourtant, j’aurais juré que je
    les voyais bouger. Devant l’espace vide, j’ai pensé à ma belle
    monture noire, sciée au niveau des sabots. Me suis rappelé
    l’homme bleu.
    Choisissant le côté le moins éclairé du carrousel, nous avons
    tous deux enfourché un cheval. Nous avons joué à galoper. A
    faire la course. Janina ne cessait de crier : «J’ai gagné ! » Au
    bout d’un moment, elle s’est approchée de mon destrier. A
    grimpé derrière moi. A mis ses bras autour de ma taille. A
    planté son menton dans mon dos. « Plus vite ! Plus vite ! »
    — Tu veux voir un ange ? lui ai-je demandé quand j’en ai eu
    assez.
    — C’est quoi, un ange ?
    — Je vais te montrer.
    Nous sommes descendus de cheval, et je l’ai emmenée au
    cimetière. Tour à tour, les nuages cachaient ou dévoilaient la
    lune. Le ciel nocturne ressemblait à des ruines fumantes. Ça
    nous a pris un moment, mais nous avons fini par le trouver. Ses
    ailes masquaient le firmament.
    — Là !
    — C’est ça, un ange ?
    Elle était plantée devant, bouche bée.
    — C’est pas un vrai, ai-je expliqué. Celui-là est en pierre.
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    Mais c’est à ça que ressembleraient les vrais si on pouvait les
    voir.
    — Pourquoi on ne les voit pas ?
    — Parce qu’ils se cachent à l’intérieur des gens. Il y en a un
    dans toi.
    — Dans moi ? s’est-elle écriée.
    J’ai mis ma main sur ses lèvres.
    — Tout le monde a un ange en lui, ai-je expliqué. Quand on
    meurt, l’ange sort. On meurt, mais pas l’ange. L’ange ne meurt
    jamais.
    Elle a levé les yeux vers les grandes ailes.
    — Il est trop grand pour tenir dans moi.
    — Quand il est dans toi, il est petit. Quand il sort, il grossit.
    Comme un ballon.
    Je n’étais jamais timide lorsqu’il s’agissait d’ajouter des
    détails omis par les garçons.
    Janina s’est tâtée de partout. Elle a fourré ses doigts dans
    ses oreilles, ses narines.
    — Je ne le sens pas, a-t-elle décrété. (Elle m’a forcé à ouvrir
    la bouche, a essayé de regarder dedans.) Je ne vois pas le tien.
    Je veux en voir un ! a-t-elle ajouté en tapant du pied.
    — C’est impossible ! ai-je affirmé.
    Même si je n’en étais pas vraiment convaincu. Je croyais
    que, tôt ou tard, je finirais par en apercevoir un, s’évadant d’un
    corps fraîchement décédé ou traînant dans les parages, comme
    hésitant à s’en aller.
    — Ils ne vivent pas ici, ai-je précisé. Ils vivent au Paradis.
    — C’est quoi, ce truc ?
    — J’en sais rien, ai-je avoué. Enos prétend que c’est juste ici,
    de ce côté du mur. Mais je n’y ai encore jamais croisé d’ange.
    D’après Kouba, ça se trouve en Russie. Pour Olek, à Washington
    Amérique.
    — Qu’est-ce que

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