Métronome
vénéré, Julien promulgue un édit de tolérance qui ne plaît pas à tout le monde… Le philosophe d’autrefois se réveille : il autorise toutes les religions et annule les mesures prises contre les païens, les juifs et les chrétiens dissidents. Pourtant, il dévoile bien vite sa préférence pour le paganisme. En fait, il n’a aucune confiance dans les chrétiens ; aussi, pour les humilier, leur interdit-il d’enseigner la poésie classique, au prétexte qu’elle chante des dieux qu’ils rejettent. Toutefois, il se refuse à persécuter les adeptes du Christ.
— Je souhaite que les chrétiens reconnaissent eux-mêmes leur erreur, je ne veux pas les y forcer.
Enfin, il s’installe à Antioche pour préparer une expédition contre la Perse. Au printemps 363, il dirige une vaste campagne militaire qui le mène victorieusement jusqu’à Ctésiphon, capitale persane. Mais il doit vite entamer une retraite, au cours de laquelle il est mortellement blessé le 26 juin. Il périt ainsi à l’âge de trente et un ans, si loin de sa chère Lutèce.
En Gaule, les empereurs changent, mais les inquiétudes demeurent. Les Alamans menacent une fois de plus. Valentinien, co-empereur avec son frère Valens, va pouvoir chausser les pantoufles de Julien. Pendant que Valens joue à l’empereur à Constantinople, Valentinien vient s’installer dans la ville des Parisii en 365. Il y occupe la résidence de Lutèce. Il connaît parfaitement les lieux : il a servi sous Julien et assidûment fréquenté la bâtisse. De cette façon, il démontre aux yeux de tous qu’il prend la succession du défunt empereur. Lutèce est ainsi promue au rang de capitale putative de l’empire d’Occident. Durant deux ans, Valentinien va en faire son quartier général, même si la ville ne l’accueille qu’épisodiquement car il est sans cesse appelé ailleurs…
Comme Parisien d’adoption, Valentinien ne démérite pourtant pas. De sa résidence de l’île de la Cité, il promulgue des édits impériaux qui répandent partout le nom de Lutèce. Et puis, dans les rues de la ville, il reçoit avec faste le général Jovin, qui a écrasé les Germains. Revêtu de la toge rouge, sur son cheval blanc, Valentinien s’avance vers l’officier vainqueur qui entre dans Paris sur sa monture. Les deux hommes mettent pied à terre et se donnent l’accolade. Qui pourrait douter à cet instant que la ville des Parisii est devenue le centre du monde ?
Valentinien croit avoir assez fait pour imiter Julien. Mais du point de vue des Parisii, le co-empereur n’est qu’une pâle copie de l’empereur défunt. Il mime les attitudes et les engouements de son modèle mais n’en manifeste ni la finesse des sentiments ni l’élévation de pensée, et moins encore peut-être un attachement sincère à la ville…
C’est vrai, il s’en va le plus souvent possible. Il séjourne un temps à Reims pour réprimer une révolte, revient à Lutèce pour repartir encore à Reims quelques mois plus tard, retourne à Lutèce, mais court aussitôt à Amiens où l’on a signalé la présence de pirates saxons. Il s’en retourne à Lutèce, certes, mais c’est pour tomber malade et, à peine rétabli, s’en va définitivement s’installer à Trêves, au bord de la Moselle, grande ville qui lui paraît sans doute plus facile à transformer en capitale.
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C’est justement en se rendant à Trêves que Martin s’arrête à Paris, au tout début de l’hiver 385… Ce n’est plus le jeune soldat impétueux qui a découpé son manteau aux portes d’Amiens, l’homme a pris de l’âge et du galon : il est devenu évêque de Tours et vit au monastère qu’il a lui-même créé à Marmoutier, avec pour règles la pauvreté, la mortification et la prière.
Dans une Gaule qui a adopté le christianisme, l’ami des pauvres est devenu un personnage considérable. Il entre dans Paris suivi d’une foule importante qui le porte et le pousse, car la foi du Christ elle-même semble aujourd’hui pénétrer dans la ville.
L’évêque marche le long de la voie romaine du Nord, et les fidèles se pressent pour embrasser sa robe. Mais le prélat ne voit pas la foule, il fixe de son regard un misérable lépreux adossé contre les remparts non loin de la porte nord de la ville, le visage défiguré, les bras lacérés et les jambes flageolantes… Il s’approche du malheureux, chacun retient son souffle. Martin se penche sur le malade et dépose sur sa
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