Métronome
joue scrofuleuse un baiser fraternel, puis il porte ses mains sur la tête du pauvre homme et le bénit… Le lendemain matin, le lépreux entre à l’église, et chacun peut voir le miracle accompli : ce visage hier encore ravagé est à présent lisse et doux. On le sait maintenant, Martin peut provoquer des guérisons. Alors on se rue sur son passage, on arrache des pans de son aube dont on fait des bandages et des compresses capables de repousser démons et maladies, chacun en est certain.
Martin ne reviendra plus à Paris, mais en reconnaissance pour la guérison miraculeuse, un oratoire fut construit à l’endroit où l’événement se déroula. Le petit bâtiment votif fut épargné par l’incendie qui ravagea la ville en 585… Les Parisiens considérèrent unanimement la préservation de l’oratoire comme un nouveau miracle, la construction était en pierre, mais qu’importe ! Et la vénération pour Martin a été entretenue au cours des siècles. Dans sa géographie, la ville moderne n’a pas effacé le souvenir du saint… La voie romaine du Nord, où il a guéri jadis le lépreux, est aujourd’hui la rue Saint-Martin.
V e siècle
LOUVRE-RIVOLI
Paris, capitale franque
La station Louvre-Rivoli se déguise et fait son importante : elle se pare des atours du palais. Non pas de l’ancienne forteresse, pas même de la luxueuse résidence royale, mais du musée qui présente notamment les beautés lapidaires et picturales imaginées par l’homme au cours des siècles. En 1968, André Malraux, ministre de la Culture du général de Gaulle, a eu l’idée farfelue de faire descendre l’art et l’histoire dans les couloirs du métro. Pendant qu’à l’air libre les pavés volaient, les murs des souterrains de la ligne n o 1 étaient recouverts de pierre de Bourgogne et creusés de niches destinées à abriter les reproductions de quelques chefs-d’œuvre dont les originaux s’exposent là-haut, en surface. Bas-reliefs assyriens, pharaons égyptiens, nymphes de la Renaissance accueillent l’usager ravi et stupéfait. Stupéfaction d’autant plus justifiée qu’aujourd’hui cette station n’est plus celle qui dessert le musée !
En quarante ans, tout a changé. La pyramide de verre voulue par François Mitterrand a modifié l’entrée du Louvre. Maintenant, pour venir faire la queue et acheter son ticket, il vaut mieux s’arrêter à Palais-Royal…
Dans mon itinéraire, je pourrais descendre à l’une ou à l’autre des stations, peu importe ! Car ce que je viens chercher ici, ce n’est pas le musée flamboyant d’aujourd’hui. En fait, je veux errer en ces parages pour rêver à ce qui n’existe plus – pas même une trace, à peine un souvenir…
Nous voici enfin sur la rive droite. À la station Louvre, nous quittons le monde romain pour entrer dans l’ère des Francs. Venus du sud, les Romains avaient colonisé le sud de Paris, c’est-à-dire la rive gauche. Les Francs venus du Nord vont tout naturellement développer l’axe nord de la ville, la rive droite.
À la fin du V e siècle, on trouvait à cet emplacement un camp fortifié dressé par les Francs qui assiégeaient Paris. De cette forteresse – loewer dans la langue franque – nous avons fait notre Louvre.
Le Louvre d’aujourd’hui, le plus vaste des édifices parisiens, n’a évidemment plus rien à voir avec la construction militaire des envahisseurs francs… Le château a remplacé la place forte, le palais a remplacé le château, le musée a remplacé le palais. Mais la fonction primitive du lieu se découvre encore dans ses entrailles. Certains vestiges sont parvenus jusqu’à nous. Certes, ils ne remontent pas à Clovis mais à Philippe Auguste, roi de France à la fin du XII e siècle. En descendant dans la crypte du Louvre, vous pourrez longer l’enceinte et découvrir ainsi les bases du donjon et des tours de l’ancienne forteresse.
Sous Philippe Auguste, cette forteresse était encore un ouvrage militaire, voire une prison. Il faudra attendre Charles V, vers 1370, pour parler de résidence royale, avec de nombreux embellissements (une maquette est visible dans la crypte).
Puis la guerre de Cent Ans éloigna les rois de France de Paris. Ce ne fut qu’avec François I er que le Louvre, devenu un palais, accueillit de nouveau les souverains.
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L’agression des Francs et leur loewer dressé face à Paris est une conséquence de la lente décadence de l’Empire romain, agonie
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