Métronome
qui se fait sentir depuis le début de ce V e siècle. Il est bien moribond, cet empire, et s’en va en lambeaux. D’abord, il est définitivement divisé. À ma gauche l’empire d’Occident, qui ne parvient pas à se défendre contre les Wisigoths venus impunément piller Rome en 410. À ma droite l’empire d’Orient, puissant mais tellement éloigné. Les Francs sont devenus auxiliaires dans l’armée romaine. Mérovée, leur roi, fondateur de la dynastie mérovingienne, est général dans la milice impériale aux ordres de Rome.
Dans cet embrouillamini, la Gaule se trouve un peu délaissée et Lutèce totalement oubliée. Valentinien III, empereur d’Occident, se désintéresse presque totalement des terres du Nord. En 425, il charge Ætius, un maître de cavalerie qu’il porte en grande estime, de régenter la Gaule à sa guise. En fait, il s’agit encore et toujours de maintenir les hordes de Barbares au-delà du Rhin, et toute l’habileté d’Ætius consiste à repousser tant bien que mal les envahisseurs en évitant la catastrophe suprême : le franchissement de la Seine, qui leur ouvrirait les portes de la Gaule entière. Ætius renvoie les Francs en pays germanique, écrase les Burgondes qui menacent, défait les bandes venues d’Armorique…
À Paris, l’heure est à la christianisation, et l’évêque Marcel joue un rôle de catalyseur. Pour retrouver la trace du vénérable prélat, il faut porter notre regard vers le carrefour des Gobelins, à l’angle du boulevard Saint-Marcel. À l’époque, dans ces terrains hors les murs de la ville, les marais grouillent de bestioles plus ou moins sympathiques. Qui sait si un antique reptile n’a pas résisté à l’évolution ? Sous la vase des rives de la Bièvre, un saurien impressionne les habitants, leur imagination en fait un animal maléfique. Ce gros serpent aurait dévoré le cadavre d’une femme de sang noble, mais de mauvaise réputation, dont la déchéance notoire faisait un parfait exemple de pécheresse. L’évêque Marcel, peut-être particulièrement vigoureux, ou alors bien courageux, n’hésite pas… Au nom de la christianisation de la Gaule, pour démontrer à tous la force du vrai Dieu, il assène deux bons coups de crosse sur la tête de cette bête, qui devient alors pour la légende pieuse un authentique dragon. Les païens convertis – ou soulagés – par le miracle accompli en attribuent généreusement d’autres à Marcel. Canonisé pour avoir extirpé le Mal du marais et libéré les riverains du monstre qui les menaçait, saint Marcel devient leur protecteur. Et si l’on habite le quartier, on peut tout lui demander !
À sa mort, en 436, l’évêque est enterré près de l’endroit où il a réalisé son exploit. Très vite, l’emplacement devient un lieu de culte. On se précipite de toute la ville pour toucher le tombeau, demander la bonne fortune et la santé… En hommage au saint est créé un oratoire, avec un petit autel. Certains fidèles vont même jusqu’à vouloir se faire enterrer à côté de leur vénéré protecteur et, peu à peu, se constitue un véritable cimetière paléochrétien : le premier cimetière chrétien de la Gaule, à Paris…
Qu’est devenu le cimetière Saint-Marcel ?
Le cimetière accueillit des sépultures jusqu’à la fin du XVI e siècle. Il fut ensuite fermé pour ne pas nuire à l’essor du quartier. Plus trace aujourd’hui, ni du cimetière ni de l’oratoire, mais de nombreuses sépultures ont été mises au jour en 1873 par Théodore Vacquer, le grand archéologue de Paris. Elles sont aujourd’hui déposées au musée Carnavalet.
Sur place, il faut se contenter de la mémoire. Et la mémoire reste vivante, avec ces panneaux d’information en fonte qu’on voit, par exemple, à côté du café Le Canon des Gobelins, pour rappeler l’emplacement de l’ancien tombeau.
Cet oratoire et la dévotion qui l’entourait ont donné naissance à un village entier : le bourg Saint-Marcel. Même s’il ne reste aucun vestige de ce hameau, on peut tenter de se l’imaginer. Une voie descend vers le boulevard, c’est la rue de la Collégiale, du nom de l’église créée autour de l’oratoire (qui exista jusqu’à la Révolution) : vous êtes au niveau de l’ancienne place de la Collégiale Saint-Marcel, le centre religieux du fameux bourg ! Si vous remontez la rue de la Collégiale, vous trouverez sur votre gauche, la rue du Petit-Moine… Elle
Weitere Kostenlose Bücher