Métronome
Saints-Pères, et de la rue Saint-Sulpice jusqu’à la Seine.
Les moines de Saint-Germain-des-Prés furent-ils troublés dans leurs méditations par la turbulente présence des étudiants qui, du Quartier latin, venaient se balader un peu partout sur leurs terres ? Ils étaient nombreux, particulièrement lors de la foire Saint-Germain qui se tenait à Pâques autour de l’abbaye. En réalité, les bénédictins supportaient plutôt bien ces désagréments, car ils en tiraient un beau bénéfice, assommant de taxes les marchands et leurs clients. Site de commerce et de promenade, cette foire attirait riches et pauvres, grands et petits qui pouvaient y découvrir des comédiens, des bateleurs, des animaux… On y jouait aussi à des jeux d’argent : Henri IV perdit ici près de trois mille écus !
Bagarres, altercations, larcins représentaient le quotidien de cette grande manifestation, jusqu’au jour où, à la fin du XIII e siècle, les étudiants provoquèrent un tel charivari que, pour préserver la paix publique, le roi Philippe le Bel s’appropria la foire. Et ce fut une parcelle de moins pour les abbés, sans compter le manque à gagner ! Cette foire et ses bénéfices, les bénédictins ne les récupéreront que deux siècles plus tard, pour en profiter jusqu’en 1762… Cette année-là, une nuit de mars, un incendie ravagea les bicoques. Tout fut reconstruit, mais cette foire nouvelle n’avait plus le même goût. Elle ne retrouva jamais son affluence et fut supprimée à la Révolution.
L’endroit fut alors racheté par la Ville de Paris, qui en fit l’actuel Marché Saint-Germain. À première vue, il ne reste à cet endroit que des bâtiments assez communs de la fin du XIX e siècle, mais quand on cherche bien, on peut encore voir des vestiges d’antan. Dans les petites rues en pente, on remarque les préaux de la rue Mabillon et les pavés de l’ancienne foire en contrebas. On peut même emprunter l’escalier de pierre pour se retrouver au niveau ancien de la rue et fouler ce petit pavé bosselé qui résonne encore des cris des forains hâbleurs et des étudiants bagarreurs…
On peut aussi faire le tour de l’enclos Saint-Germain. Il s’étendait sur quatre rues dont le tracé subsiste : la rue de l’Échaudé à l’est, la rue Gozlin au sud, la rue Saint-Benoît à l’ouest et la rue Jacob au nord.
La première de ces petites artères est curieuse. Vestige médiéval, le pavage de la rue de l’Échaudé se creuse en une rigole centrale destinée à évacuer les saletés que les gens à l’époque jetaient par les fenêtres. Côté voirie, on a trouvé mieux depuis, mais la forme de la ruelle est bien jolie ! Le plus étonnant, c’est l’impression persistante que chacun des pans de constructions n’appartient pas à la même rue, comme s’il manquait un mur imaginaire qui séparerait les styles et les époques d’un trottoir à l’autre… Eh bien, il y avait en effet ici une séparation, c’était la muraille de l’abbaye !
Au moment de la guerre de Cent Ans, un espace en forme de triangle était coincé entre le mur de Philippe Auguste, à quelques mètres des rues de l’Odéon et Dauphine, et l’enceinte de l’abbaye. Cette étendue constituait une zone inconstructible, la moindre bâtisse à cet emplacement aurait pu aider l’assaillant éventuel à franchir la muraille de l’abbaye… Quand le danger s’éloigna, cette protection de pierre perdit de son importance et des édifices ont timidement pointé le bout de leur nez, s’adaptant à l’angle aigu laissé libre. Si vous trouvez que la rue de l’Échaudé a le museau pointu, vous savez désormais pourquoi !
Mais qui est échaudé ?
Cet échaudé de la rue de l’Échaudé n’a rien à voir avec le chat qui « craint l’eau froide »… Spécialité pâtissière que les Aveyronnais connaissent encore aujourd’hui, l’échaudé est un gâteau de forme conique dont la pâte a été ébouillantée, autrement dit échaudée. C’est en raison de la forme triangulaire de ses maisons que la rue, anciennement « chemin sur les fossés de l’Abbaye », a pris le nom de cette friandise dont la recette remonte au Moyen Âge.
Au bout de la rue de l’Échaudé, à l’angle de la rue de l’Abbaye, une très vieille maison vous attend depuis six cents ans, elle est caractéristique des constructions du XV e siècle, moins larges à la base qu’au premier étage, pour laisser passer les
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