Métronome
bien né doit connaître le maniement des armes, la rhétorique et le droit. On prépare les jeunes nobles à devenir à la fois de bons soldats et de parfaits fonctionnaires.
Ici se nouent également des aventures sentimentales. Passades sans lendemain ou promesses échangées pour la vie, on franchit allègrement le pas qui va du plaisir d’une nuit à l’engagement définitif. Des jeunes filles et des jeunes gens découvrent l’amour sur l’île de la Cité, et l’on voit des couples se former, réalisant ainsi l’improbable : l’union de familles de régions différentes, parfois en conflit, et qui trouvent soudain l’avantage de la concorde pour s’élever en puissance auprès du roi. Car on veut bien étudier, on veut bien manier l’épée, on veut bien se marier s’il le faut, mais seulement sur fond d’intrigues et d’intérêts. Les familles veillent en effet sur leurs rejetons et comptent bien tirer un bénéfice substantiel de leur fidélité à la cour. Ces avantages escomptés peuvent se manifester en influence, en terres, en pièces d’or, en titres… Un certain Siagrius quitte Paris avec le titre de comte, un Radulf est envoyé comme duc dans des régions frontalières du Nord, un Desiderius noue les complicités indispensables pour se faire nommer évêque de Cahors…
Sensible aux symboles, Dagobert fait installer un trône dans la grande salle du palais, un siège ciselé par Éligius, son orfèvre personnel et son homme de confiance. Confiance si grande d’ailleurs que cet Éligius deviendra argentier du royaume, puis évêque, et sera même canonisé pour entrer finalement dans l’histoire sous le nom de saint Éloi.
Pourquoi Dagobert a-t-il mis sa culotte à l’envers ?
Dans la chanson, le bon saint Éloi fait remarquer au bon roi Dagobert qu’il a mis sa culotte à l’envers… Anachronisme, car la culotte, cette sorte de short un peu bouffant s’arrêtant aux genoux, sera créée par des modélistes inspirés près de mille ans plus tard. La Révolution, qui se moquait bien de la vérité historique, a produit cette rengaine pour railler tous les rois et tous les saints. Les insurgés ridiculisaient-ils simplement la distraction royale ou, dans une interprétation plus égrillarde, ironisaient-ils sur les amours supposées entre le roi Dagobert et saint Éloi ? Des amours à l’envers, comme la culotte… Enfin, comme Sa Majesté s’empressait de « la remettre à l’endroit », la morale était sauve !
Pour l’heure, le futur saint n’est encore qu’un artisan soucieux de ciseler au mieux le trône du nouveau roi. Un siège qui n’est peut-être pas très confortable avec ses rudimentaires lanières de cuir en assise, mais dont la structure étincelante de bronze doré est faite pour impressionner, avec ses empâtements qui montent vers les accoudoirs, s’élargissent et se métamorphosent en têtes de lions à la gueule ouverte. Le trône de Dagobert est aujourd’hui conservé au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale.
Pour marquer son pouvoir absolu, Dagobert a besoin de ces signes. Mais cela ne lui suffit pas : il lui faut aussi inscrire sa munificence dans la pierre. Paris possède déjà son abbaye, alors c’est vers Saint-Denis qu’il tourne son regard. Ce sera la grande œuvre de sa vie !
Profondément croyant et fortement superstitieux, Dagobert est persuadé que, du haut des Cieux, saint Denis veille sur lui. Il le sent, il le sait car, venu jadis sur le sépulcre du saint décapité, il a vu Denis en songe… Et la vision lui a promis sa protection, à la condition toutefois que, devenu roi, Dagobert lui offre la plus somptueuse des tombes.
L’église Saint-Denis avait été fondée autrefois par sainte Geneviève, on s’en souvient, mais un siècle et demi plus tard les lieux se sont bien dégradés. Ce n’est qu’un petit sanctuaire décrépit perdu au nord de Paris, et qui n’attire plus grand nombre de pèlerins. Une dizaine d’années plus tôt, un monastère bénédictin est venu jouxter le lieu de culte, et un modeste hameau a pris forme tout autour, habité par quelques paysans et artisans qui survivent en servant la communauté des moines. Mais enfin, tout cela respire un peu trop la misère et le laisser-aller. Dagobert est bien décidé à satisfaire le saint et à embellir son tombeau.
Il faut à saint Denis un mausolée aussi grand et beau que sa légende : une basilique remplace bientôt la vétuste
Weitere Kostenlose Bücher