Métronome
attelages. Cette bâtisse était celle du bailli, l’officier qui décidait du sort des prisonniers détenus par l’abbaye. Pas de comptes à rendre au roi ni à la Ville : jusqu’à Louis XIV, Saint-Germain-des-Prés –véritable État dans la cité – possédait son prévôt pour rendre la justice, son tribunal et sa prison. Aujourd’hui, à droite de l’église sur le boulevard Saint-Germain, la statue de bronze de Denis Diderot, hôte jadis de la forteresse de Vincennes, veille sur l’emplacement de l’ancienne geôle.
L’abbaye possédait aussi un abbé en chef, un cardinal dont le palais de la fin du XVI e siècle, situé aux 3 et 5, rue de l’Abbaye, a longtemps été considéré comme l’une des plus belles résidences de Paris. Il reste tel un témoin de l’architecture Renaissance et un souvenir de l’opulence religieuse.
Autres vestiges aux 6, 8 et 10 de la même rue, toujours au cœur de l’ancien enclos Saint-Germain-des-Prés : les restes de la chapelle de la Vierge et des communs, les bâtiments où les moines menaient leur vie quotidienne. Même fragmentés, épars, abîmés, ces débris disent la splendeur d’une époque – le XIII e siècle – où la ferveur animait des hommes venus de régions reculées pour trouver à Paris l’émulation intellectuelle, le goût de l’étude et du dépassement de soi, autant de notions propres aux bénédictins. L’architecte de la Sainte-Chapelle lui-même, Pierre de Montreuil, dessina la dentelle de pierre de la chapelle de la Vierge. Quelques fragments sont exposés dans le petit square nord de l’église : embrasures d’ouvertures en ogives ornées de rosaces fines qu’on croirait venues de Notre-Dame, pierres tombales, restes de puits… Le grand maître bâtisseur est enterré ici depuis 1264, enseveli sous les décombres de son œuvre dont on peut voir des pierres de fondation dans les murs intérieurs des boutiques de la rue de l’Abbaye. Amalgamés à la vie actuelle, ces vestiges nous observent du fond des siècles. Et si les pierres ne parlent pas, elles disent les sensations, les couleurs, les lumières, les atmosphères… pour celui qui veut bien voir et entendre.
Vous voulez tendre l’oreille, ouvrir les yeux et laisser battre votre cœur ? Entrez au 14-16, rue de l’Abbaye, vous ne le regretterez pas… Cet immeuble plutôt moderne permet de voir apparaître tout un pan du passé abbatial. Une fois le battant de la porte cochère refermé, dans le silence et le recueillement qui convient à un tel lieu, vous découvrez à droite un reste du dortoir des moines. Sur le mur mitoyen séparant le réfectoire de la maison des hôtes de l’abbaye, les moulages de pierre rappellent des vitraux. Si vous levez la tête pour les admirer, votre regard redonnera vie aux vestiges de l’édifice à moitié enclavé dans le mur. Imaginez les moines allant et venant sous les voûtes en plein cintre dont la hauteur majestueuse était telle qu’elles n’ont pu être touchées par les dégradations révolutionnaires ! On se trouve ici devant un parfait exemple de l’assimilation moderne d’un vestige médiéval, puisque l’ensemble, dans la pureté crayeuse de la pierre rénovée, savamment éclairée par les ouvertures naturelles et des spots blancs, donne une impression de composition fantaisiste se jouant du temps et des styles.
Du 16, rue de l’Abbaye, regardez vers la droite. Voyez-vous l’ange au-dessus du bâtiment qui fait face à l’église ? Derrière lui, une tour ronde, accessible par le 15, rue Saint-Benoît. Cette tour est le dernier vestige de la muraille de l’abbaye construite au XIV e siècle, avant la guerre de Cent Ans.
Mais au VII e siècle, tout ce quartier n’est encore qu’en gestation…
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Pour Paris, le pouvoir centralisé imaginé par Clotaire II se traduit par les incessantes allées et venues de personnages importants surgis de toutes les régions. Le roi, désormais, se déplace moins souvent, n’envoie que de rares émissaires à travers ses États, mais reçoit au palais de la Cité les fils de la noblesse et les membres du clergé venus le solliciter ou lui apporter des échos de ses lointaines provinces. Peu à peu, il délaisse sa villa de Clichy pour être plus présent à Paris, centre des décisions.
Dès cette époque, on « monte » à Paris, comme dans la Bible le peuple croyant « montait » à Jérusalem. D’ailleurs, la population parisienne s’estime
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