Métronome
précipitent sur lui.
— Qu’est ceci ? Je suis le duc d’Orléans ! gronde le frère du roi, croyant être aux prises avec quelques tire-laine impétueux.
Il n’a pas le temps de prononcer un mot de plus. Il est renversé de sa monture, il tombe à genoux, tente de se relever mais est massacré à coups de hache, d’épée et de gourdin.
— Au meurtre, au meurtre !
C’est la femme d’un cordonnier qui hurle. Elle a entendu le remue-ménage dans la rue, s’est mise à sa fenêtre et tente d’alerter les guetteurs.
— Taisez-vous, mauvaise femme ! lance un des assaillants.
À la nouvelle de cet assassinat, le sire de Tignonville, prévôt de Paris, fait fermer les portes de la ville et demande à ses archers de veiller au calme des rues : on craint éclats et coups de force des alliés de la victime.
Où fut assassiné le duc Louis d’Orléans ?
S’il ne reste rien de l’hôtel Barbette, je l’ai dit, la petite ruelle qui menait à son entrée secondaire est toujours là. C’est dans cette impasse des Arbalétriers, au niveau du 38, rue des Francs-Bourgeois, que le crime a été commis.
Deux jours plus tard, une procession spectaculaire va de l’église des Blancs-Manteaux, où le corps du prince a été déposé, jusqu’à l’église des Célestins, où il doit être inhumé. Le roi de Sicile, le duc de Berry, le duc de Bourbon et le duc de Bourgogne lui-même, les plus grands du royaume, portent le cercueil recouvert d’un velours bleu frappé des fleurs de lys.
L’enquête du prévôt s’égare d’abord vers un mari trompé, mais rapidement la vérité éclate : Jean sans Peur, le duc de Bourgogne, a commandité le crime !
Sa forfaiture dévoilée au grand jour, Jean abandonne la mine contrite des deuils irréparables pour revendiquer haut et fort son geste homicide. C’est pour le bien du royaume et la plus grande gloire de la France qu’il a fait trucider le duc ! Qui pourrait regretter ce chien qui dilapidait le trésor royal pour se construire des châteaux et entretenir de dispendieuses maîtresses ?
La situation se révèle vite inextricable. D’un côté, voici Jean sans Peur qui bénéficie de l’appui des Parisiens parce qu’il promet de baisser les impôts et de contrôler la monarchie. De l’autre, c’est Charles d’Orléans, le fils du duc assassiné, qui réclame vengeance et se voit soutenu par les seigneurs de la noblesse. Mais, à treize ans, le garçon n’a pas vraiment l’étoffe d’un chef de guerre. L’année suivante, on le marie vite fait à Bonne, fille du comte Bernard d’Armagnac : en la personne du beau-père, le parti des Orléans a trouvé son champion. Désormais Armagnacs et Bourguignons se livreront une guerre cruelle qui déchirera le pays.
Conscient des affrontements qui vont avoir lieu dans le but de tenir Paris, Jean sans Peur, le duc de Bourgogne, décide de transformer l’hôtel particulier qu’il possède rue Mauconseil en camp retranché, en petit château fort. Il faut dire que la géographie citadine s’y prête parfaitement : l’hôtel s’appuie sur deux solides pans de l’ancienne muraille de Philippe Auguste, rempart devenu inutile puisque la ville dépasse largement ses limites du XIII e siècle et que les vieux murs ont été remplacés depuis vingt-cinq ans par une plus large enceinte. Les vétustes fortifications ne servent pas seulement de renfort à l’hôtel de Bourgogne : ailleurs, ses tours abandonnées sont devenues des refuges pour les gueux, dans les fossés vidés de ses eaux croupissent des bandes errantes de mendiants et les chemins de ronde sont transformés en promenades où les Parisiens jouent aux boules.
Pour parfaire la défense de son hôtel, Jean sans Peur fait construire une solide tour qui dresse fièrement ses vingt-sept mètres comme un roc inexpugnable et semble narguer le Louvre et l’hôtel Saint-Pol, les deux sièges de l’autorité royale. Derrière les hauts murs de sa forteresse, le duc de Bourgogne ne craint ni l’inconstance du roi ni l’emportement des foules.
Que peut-on voir encore de l’hôtel de Bourgogne ?
Au XVI e siècle, l’hôtel de Bourgogne, totalement remanié devint une salle de théâtre où l’on donna d’abord des mystères à vocation religieuse. En 1634, sous Louis XIII, s’y installa la troupe royale. C’est là que furent créées ensuite les principales pièces de Pierre Corneille, puis quasiment toutes les tragédies de Jean
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