Métronome
Racine.
Dans ce théâtre, Racine découvrit la Champmeslé, jeune comédienne jouant le rôle d’Hermione dans son Andromaque. La demoiselle fit preuve d’une si tempétueuse passion, d’une si débordante violence que le tragédien, à l’issue de la représentation, se précipita dans les coulisses, les yeux brûlants, et tomba à ses pieds pour la remercier de ce moment d’intense bonheur. Dès cet instant, Racine ne quitta plus la comédienne. Il lui jura un amour éternel, qui dura bien six années. La marquise de Sévigné écrivait : « Quand la Champmeslé entre en scène, un mouvement d’admiration se répand d’un bout du théâtre à l’autre, toute la salle est sous le charme, et elle fait à son gré couler nos larmes. »
L’hôtel de Bourgogne resta un théâtre jusqu’en 1783, date à laquelle les comédiens investirent le nouvel Opéra-Comique qui venait d’être construit. L’ancien théâtre devint halle aux cuirs puis fut entièrement démoli en 1858, pour permettre le percement de la rue Étienne-Marcel.
C’est précisément au 20, rue Étienne-Marcel que se dresse toujours la tour érigée par Jean sans Peur pour protéger son hôtel. Et cette surprenante architecture bouguigno-médiévale en plein Paris se visite ! On y voit une salle des gardes au rez-de-chaussée, des appartements au premier, une belle salle au deuxième, la chambre à coucher des écuyers au troisième, et la splendide chambre du duc au quatrième.
Tout en haut du premier escalier à vis, on trouve deux souvenirs intéressants du duc de Bourgogne. Tout d’abord, le magnifique chêne de pierre qui grimpe sous les voûtes. Un chêne à trois types de feuilles : celles du chêne pour rappeler le père de Jean sans Peur ; celles de l’aubépine pour rappeler sa mère et le houblon pour lui-même (une feuille du Nord parce que sa mère était flamande). On y découvre ensuite deux vitraux, le premier portant les armes du duc et le second figurant un rabot… C’est la réponse aux menaces de Louis d’Orléans qui voulait l’assommer à coups de gourdin. Jean l’a raboté : le crime est revendiqué !
Pendant que Jean sans Peur fait construire sa tour parisienne, le comte d’Armagnac lève dans le Midi une armée de mercenaires, hommes de sac et de corde qui ne songent qu’à piller les régions traversées. Ils arrivent en Île-de-France, ravagent les fermes et les champs, puis progressent jusque devant les fossés qui protègent le faubourg Saint-Marcel, sur la rive gauche. Ils vont entrer dans Paris, mais le 2 novembre 1410 un traité signé à Bicêtre interrompt les opérations militaires. Selon les termes de cet accord, chaque prince doit retourner dans ses terres et ne revenir dans la capitale qu’avec le consentement du roi Charles VI.
L’hiver se passe dans un calme relatif. Dès le printemps, la guerre entre Armagnacs et Bourguignons reprend dans le Beauvaisis et la Picardie… Mais c’est Paris que l’on veut, c’est Paris que l’on ambitionne, c’est Paris qu’il faut tenir. Au mois d’août, le Parlement – la cour judiciaire de la capitale – cherche à maintenir la paix et pour cela réclame l’arrestation de ceux qui tiendraient des harangues dangereuses pour la sécurité publique. Pour surveiller la bonne exécution de cette ordonnance, ces Messieurs du Parlement nomment un gouverneur de Paris en la personne de Valéran de Luxembourg, comte de Saint-Pol. C’est un fidèle allié du roi, comme tout le monde… mais aussi un partisan des Bourguignons.
Aussitôt, le comte et son ami Jean sans Peur organisent la chasse aux Armagnacs ! Ils créent une milice bourgeoise de cinq cents hommes et prennent soin de n’engager dans ces troupes que des bouchers, des écorcheurs, des pelletiers, des chirurgiens ; bref, des hommes aptes à manier le couteau et habitués à voir couler le sang. Cette troupe féroce, qui prend le nom prestigieux de « milice royale », reçoit pour mission d’arrêter dans Paris tous ceux que l’on connaît pour favoriser le clan des Armagnacs.
Commence alors une répression aveugle et violente. Pour se débarrasser d’un parent, d’un voisin, d’un concurrent, il suffit de l’appeler armagnac. Et l’on peut se montrer soulagé quand les miliciens se contentent de jeter le coupable dans un cul-de-basse-fosse et de piller sa maison, car le plus souvent le supposé armagnac est tout bonnement noyé dans la Seine. Même le roi et sa
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