Métronome
faubourg, il est vrai, en verra d’autres…
Jean sans Peur s’inquiète de ces débordements, la patience des Parisiens n’est pas sans limite, il le sait, il en a fait l’expérience. Pour témoigner de sa bonne volonté, il ordonne l’arrestation de Capeluche et lui fait couper le cou, de quoi freiner net la frénésie des partisans bourguignons.
Le 14 juillet suivant est jour de fête à Paris ! Jean sans Peur et la reine Isabeau de Bavière font leur entrée dans la capitale, applaudis par une population certaine de voir enfin se profiler la paix et la sécurité.
Mais Jean sans Peur ne profite pas longtemps de sa victoire. Un an plus tard, le 10 septembre 1419, une rencontre est prévue à Monterau, en Île-de-France, entre le dauphin et le duc de Bourgogne. La tension entre les deux partis est vive, la haine tenace, le ton monte rapidement et Tanguy du Châtel, l’ancien prévôt de Paris devenu conseiller du jeune Charles, sort son épée et l’enfonce dans le ventre de Jean sans Peur.
Assassinat prévu de sang-froid ? Débordement dû à la colère ? Guet-apens soigneusement organisé ? On en discutera longtemps, mais les exécutions successives du comte d’Armagnac et du duc de Bourgogne font prendre à l’Histoire des chemins de traverse. C’est le roi d’Angleterre qui, sur le moment, rafle la mise.
Par le traité de Troyes de 1420, Charles VI accepte de renier son fils le dauphin Charles et d’offrir sa fille, ainsi que le royaume de France après sa mort, au roi d’Angleterre Henri V.
Un peu plus d’un an après, Henri V et Charles VI, chevauchant côte à côte, sont à Paris. On imagine la surprise et l’incompréhension des Parisiens : qui est le roi de France ? Question judicieuse car Charles n’est plus qu’une ombre, à peine un symbole, et Henri se voit déjà successeur, roi de France et d’Angleterre, le plus puissant monarque d’Occident. Mais les rêves humains sont bornés par la cruelle réalité de la mort… Au mois d’août 1422, Henri V, âgé de trente-six ans, est pris d’une terrible crise de dysenterie. Affaibli, tordu par d’insupportables douleurs, il s’alite dans le donjon du château de Vincennes et un ermite vient lui annoncer sa fin prochaine… Il recommande son âme au Seigneur et confie le gouvernement de la France à son frère John, duc de Bedford. Cela fait, il expire comme prévu, et il faut songer à se débarrasser du cadavre. Pour le renvoyer à Westminster, on cherche un embaumeur, mais on ne trouve dans les environs aucun spécialiste en cet art délicat. Alors on fait bouillir le défunt roi et il fait son dernier voyage par-delà le Channel sous la forme d’un squelette désarticulé, soigneusement rangé en petits paquets d’os blanchis.
Sept semaines plus tard, au mois d’octobre, Charles VI, atteint d’un mal mystérieux, quitte la scène à son tour. Apprenant la mort de son père, le dauphin, sans attendre, se proclame roi de France sous le nom de Charles VII. Le jour de la Toussaint, il entre dans la cathédrale Saint-Étienne de Bourges vêtu du manteau royal, tissu de vermeil et d’or doublé d’hermine, et chaussé des brodequins frappés de la fleur de lys.
Pour les partisans du jeune roi, la véritable capitale du royaume reste Bourges, au moins tant que l’Anglais occupera les bords de la Seine et tiendra une partie du territoire. Car on peut faire le compte des terres contrôlées par le duc de Bedford, et c’est impressionnant : plus de la moitié du royaume, Bordeaux, la Normandie, la Champagne, la Picardie, l’Île-de-France, Paris. Et il conserve sous son influence les territoires de Philippe le Bon, fils de Jean sans Peur : la Bourgogne, l’Artois et la Flandre.
Chacun des deux ennemis, le duc de Bedford et Charles VII, appuyé sur ses terres, entend partir à la conquête du royaume entier. Et ce sera une succession de batailles, de sièges, de prises de villes, d’occupations de places fortes qui ravageront les campagnes au cours d’interminables combats, semant la mort, provoquant famines et épidémies.
Finalement, ce Charles VII maigriot, aux yeux de biche égarée, met intelligemment à profit la bravoure et la ténacité de Jeanne d’Arc, peut-être sa demi-sœur cachée, une sœur qu’on aurait transformée en bergère éclairée par Dieu pour justifier et encourager la reconquête du trône et du territoire.
Bientôt, de l’Avranchin jusqu’à la Picardie, des provinces
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