Meurtres dans le sanctuaire
réglés en quelques minutes.
Pendant ce temps, Kathryn admirait la calme impartialité de Murtagh, ainsi que ses manières très professionnelles. Quel artiste ! Il excellait en tout, que ce soit à cheval, pour administrer les écuries royales, ou pour écouter et juger les litiges des citoyens. Mais s’il venait un jour à abattre son masque, quel genre d’homme apparaîtrait ?
Kathryn jetait un regard à la bougie dont la flamme entamait le cercle de la troisième heure quand Luberon annonça que le tribunal levait la séance. Newington, qui, à côté de Colum, lui avait murmuré à l’oreille pendant toute la session des conseils pour les décisions à prendre, en convint. Le sergent reparut et annonça d’une voix forte que les autres plaignants devaient revenir un autre jour.
— Que fait-on maintenant ? marmonna Thomasina, agitant son imposant derrière sur la banquette de la fenêtre.
— Inutile que tu m’attendes davantage, lui dit Kathryn, cette affaire prend plus de temps que je n’imaginais. Va donc à Rushmarket, près de Ridinggate, et achète de la paille fraîche pour la cuisine. Je le rejoindrai à la maison.
Toute contente, la servante sortit de la salle tandis que Colum invitait Kathryn à reprendre place à la table.
— Vous avez trouvé la séance du tribunal intéressante, Maîtresse Swinbrooke ?
— Pas autant que vous, j’imagine. Colum haussa les épaules.
— Depuis longtemps, quand je ne suis pas à la guerre ou à m’occuper des chevaux, je traite et je juge les affaires de ce genre : c’est moi qui décrète qui, dans la maison du roi, peut prétendre à un privilège. À moi aussi de découvrir qui a volé dans la dépense, ou quel marmiton s’est servi de viande pendant qu’elle rôtissait sur la broche.
Colum s’étira en souriant.
— Vous autres, Anglais, aimez tellement les lois !
Il allait dire autre chose quand la porte se rouvrit brutalement sur le sergent qui fit entrer une petite troupe de marchands : les confrères de Spurrier, la dernière victime de l’empoisonneur. Ces hommes, de belle prestance, arboraient leurs chapeaux de castor, des pourpoints matelassés ainsi que de coûteux hauts-de-chausses rentrés dans leurs bottes en cuir. Cependant, à se tenir ainsi en groupe, ils n’en évoquaient pas moins une troupe d’enfants apeurés. C’est que l’assassinat de leur confrère Spurrier les avait plongés dans la consternation, et tous n’avaient qu’un souhait : quitter Cantorbéry au plus vite. Colum les interrogea sans les brusquer, mais en vain : autant vouloir tirer du sang d’une pierre. Ces hommes ne connaissaient en ville personne susceptible de nourrir des griefs contre Spurrier, et ils n’avaient rien vu ni rien entendu de suspect. L’un d’eux pourtant admit :
— Nous avons remarqué un inconnu, mais nous l’avons pris pour un moine. Il portait un capuchon, et il a très vite disparu.
Les autres opinèrent en choeur. Colum leur posa encore quelques questions avant de les renvoyer courtoisement.
Sitôt qu’ils eurent disparu, Kathryn, qui n’avait pas prononcé une parole durant l’interrogatoire, se leva et prit son manteau.
— Il n’est rien de plus que nous puissions faire ici, soupira-t-elle. Et ce manuscrit de Chaucer, Maître Luberon ?
Newington intervint :
— Il faut que je parte, moi aussi. Il eut un sourire embarrassé.
— Je dois aller faire la paix avec mon gendre et ma fille. D’ailleurs, il est inutile que nous allions déranger Sa Grandeur l’archevêque.
Il tapota l’épaule du clerc.
— Vous, Luberon, vous connaissez mieux les livres que moi. Demandez au cardinal archevêque s’il a un manuscrit du poème de
Chaucer, et faites-le porter chez Maîtresse Swinbrooke, en son logis d’Ottemelle Lane.
Le clerc promit de le faire, puis, rassemblant ses parchemins, ses plumes et son encrier, il les rangea dans un sac de cuir avant d’emboîter le pas à Newington pour sortir de la salle. Quelques minutes après eux, Kathryn et Murtagh partaient à leur tour. Dehors, ils durent s’abriter les yeux du soleil éclatant de l’après-midi, tandis qu’ils descendaient les marches du Guildhall. Colum tapota alors son estomac.
— J’ai faim, Maîtresse Swinbrooke. Allons manger, voulez-vous, et soyez mon invitée.
— Je croyais que vous ne vous plaisiez pas dans les tavernes ?
— J’ai le gosier sec et le ventre vide, Maîtresse. Si Thomasina était ici, je la
Weitere Kostenlose Bücher