Meurtres dans le sanctuaire
possession un gobelet cabossé et des dessous criards ! Peg la Moutarde est morte sans le sou !
Ils quittèrent l’horrible logis de Bullpaunch Alley et, à travers le dédale des ruelles, parvinrent à St Peter’s Lane. Alors seulement Kathryn reprit la parole :
— Eh bien, Maître clerc, quelles sont vos conclusions après notre visite à cette sorcière ?
Ici, quel contraste avec le quartier sordide qu’ils venaient de quitter ! La rue qui descendait à l’église était plus large, plus propre, et les maisons apparaissaient mieux tenues. Luberon, après les avoir considérées un instant, murmura :
— Je ne saurais dire. Nous n’avons pas appris grand-chose.
— Je ne suis pas de cet avis, répliqua vivement Kathryn. Nous savons maintenant que notre assassin s’est présenté chez la mégère tôt, hier après-midi, qu’il a payé pour les services de Peg et lui a ordonné de le retrouver à une heure précise à l’une des poternes de la ville.
Kathryn sortit un mouchoir de sa manche pour s’en éponger le front où la sueur commençait à perler.
— Cependant, j’en conviens, cela ne nous apprend rien de nouveau. N’importe lequel de nos médecins a pu sortir à la dérobée de l’église de la Sainte-Croix et faire tout cela avant de rentrer chez lui.
Kathryn examina la tour crénelée de Saint-Pierre, se remémorant ce qu’elle avait lu dans Les Contes de Cantorbéry de Chaucer, ainsi que les idées qui lui étaient venues quand elle attendait Luberon devant l’église de la Sainte-Croix. Ah, si seulement Colum était là ! Kathryn serra le poing. Bon sang ! L’Irlandais était tout de même le commissaire du roi ! Elle aussi avait d’autres tâches qui l’attendaient ! La pensée de son mari lui vint tout à coup : elle le revoyait avec son long visage au teint pâle, que la fureur défigurait quand il avait bu plusieurs coupes de vin. Kathryn ferma les yeux. Non, elle ne devait pas penser à lui, ni envisager les éventualités que soulevait sa mystérieuse disparition.
— Maîtresse !
Kathryn ouvrit les paupières pour fixer Luberon.
— Maîtresse Swinbrooke, désirez-vous vous rendre à l’église Saint-Pierre ?
— Pensez-vous que le prêtre nous aidera ?
— Tout dépend des questions que vous voulez poser.
Kathryn grimaça un sourire.
— Eh bien, venez avec moi, ainsi vous le saurez.
Ils trouvèrent le père Raoul fort occupé à désherber un vaste carré de jardin qui séparait l’église de la maison où il habitait. C’était un homme trapu et râblé, avec une large face de paysan, et des cheveux bruns ébouriffés comme s’il ne les avait pas coiffés depuis un mois. L’homme cependant semblait gai et amical, et il accueillit Luberon avec chaleur. Il fut en revanche plutôt timide avec Kathryn.
Lâchant sa binette, il essuya ses mains pleines de terre à sa soutane en s’exclamant :
— Je suis content de me reposer un peu ! Allons chez moi, voulez-vous ?
Il conduisit ses hôtes dans la cuisine, une pièce nue, au sol en terre battue, avec des murs blanchis à la chaux, et quelques meubles seulement. Après les avoir invités à s’asseoir devant une petite table à tréteaux, il leur servit des cruchons de bière fraîche au goût piquant et doux.
Il fit claquer ses lèvres et demanda :
— Eh bien, que puis-je pour vous ?
Luberon, qui, déjà dans le jardin, avait commencé à parler des meurtres, acheva son exposé succinct de la situation, puis il toussa, interrogeant Kathryn du regard. Celle-ci prit la parole :
— Connaissiez-vous Peg de Bullpaunch Alley, mon père ?
Le père Raoul sourit :
— Pas au sens biblique du terme, non. Peg était une femme redoutable. Que Dieu lui donne le repos éternel !
— Depuis combien d’années officiez-vous dans cette paroisse, mon père ?
— Quinze ans, à peu près. Pourquoi ?
— Vous avez reçu, ou plutôt, l’église a reçu un legs permettant de payer des médecins qui viennent soigner les pauvres et les nécessiteux de la paroisse, n’est-ce pas ? Le père Raoul haussa les épaules.
— Cela n’a rien d’exceptionnel. Bien des églises de ce royaume reçoivent des legs ou des donations.
Cet argent est déposé auprès de banquiers, et la paroisse retire ce dont elle a besoin. Les comptes sont minutieusement examinés et vérifiés par des gens très compétents comme Maître Luberon.
— Qui a donné ce legs à l’église
Weitere Kostenlose Bücher