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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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Milena. Celle-ci arriva en courant et l’implora de m’aider, de
me sauver de la mort. La Langefeld promit à Milena de faire tout ce qui serait
à la portée de ses forces, tout en sachant parfaitement que son heure à elle
avait également sonné. Le jour même, les SS l’assignèrent à résidence à son
domicile et la séparèrent de son enfant. Elle passa les journées suivantes chez
elle, sous surveillance, totalement isolée, ne songeant qu’à une chose : informer
– qui que ce fût – de sa situation. À la fin de l’après-midi, elle entendit
passer en chantant devant sa maison une colonne de détenues qui revenaient du
travail. D’un bond, elle se précipita à la fenêtre, l’ouvrit, hurlant à
tue-tête afin que les détenues puissent l’entendre : « À l’aide !
À l’aide ! » Le SS qui la gardait la tira en arrière en jurant.
    Le lendemain arrivait le mandat d’arrêt de Berlin. On l’emmena
à Breslau, lieu de son dernier domicile, et on l’y déféra devant un tribunal SS.
Elle y fut accusée d’être « un instrument des détenues politiques
allemandes » et d’avoir manifesté de la sympathie pour des « nationalistes
polonaises ». On l’interrogea cinquante jours durant, puis on finit par l’acquitter,
faute de preuves, et la congédier de l’emploi qu’elle occupait à Ravensbrück.

Son dernier anniversaire
    « Vouloir la mort sans la souffrance est mauvais signe. Autrement,
je peux oser la mort » [72]
    La « mobilisation du travail » était l’une des
institutions les plus redoutées de Ravensbrück. On y constituait des colonnes
destinées aux usines de munition, à la construction d’aérodromes et autres
entreprises de guerre. La seule chose à laquelle aspiraient toutes les détenues,
c’était de rester au camp principal ; on redoutait comme la peste les
transports et le travail dans ces services détachés où la nourriture était, la
plupart du temps, pire encore.
    Craignant de tomber sous le coup de la mobilisation du
travail, je tentai d’obtenir, après ma guérison, un « bon » travail
extérieur. Des détenues polonaises que je connaissais me proposèrent une place
dans la « colonne forestière » et j’acceptai avec enthousiasme. Nous
allions dans la forêt abattre des arbres. Notre instructrice, la « mère
Liberak », comme l’appelaient les Polonaises, était une femme en or et l’on
pouvait, grâce à elle, sécher le travail de temps à autre. Au bout d’une
semaine vint mon tour. C’était une journée ensoleillée de la fin de l’automne, je
ne pus tenir en place dans la baraque et accompagnai Milena pour sa tournée à
travers le camp, entreprise qui n’était pas sans danger. Mais Milena portait le
brassard jaune d’infirmière et la police du camp ne nous importuna pas.
    Nous faisions les cent pas sur la seconde allée du camp, totalement
absorbées par notre discussion. D’un côté, nous apercevions par-dessus le mur
un saule tout rond, couronné de ses dernières feuilles dorées et, de l’autre
côté, des pins de couleur sombre. Nous parlions des forêts et des villes que
nous voulions voir une fois encore ensemble, des gens que nous aimions et qui
nous attendaient. Dehors, la vie continuait, nos enfants étaient devenues des
jeunes filles, elles devaient nous avoir oubliées depuis longtemps. Les
quelques rares lettres que nous recevions de nos proches s’étaient réduites, par
crainte de la censure postale, à un schéma stéréotypé et étaient devenues
totalement impersonnelles. « En fait, je ne sais plus rien de Honza, dit
tristement Milena. Si seulement elle me racontait, ne fût-ce qu’une fois, quelle
est la couleur de sa robe, si elle porte déjà des bas de soie et comment elle
remplit ses journées. Si elle pouvait ne pas écrire toujours la même chose – qu’elle
aime jouer du piano et qu’elle va à l’école… »
    Milena se faisait du souci pour son enfant, se sentant
coupable à son égard car elle l’avait trop tôt impliquée dans tout ce qu’elle
faisait, son existence personnelle comme ses activités politiques, lui imposant
ainsi un trop lourd fardeau. Et il fallait maintenant que cette enfant autonome,
précoce, s’adapte à un grand-père qui ne devait pas manquer de la traiter avec
autant d’inconstance et d’esprit dictatorial qu’il l’avait fait avec Milena. Dans
ses lettres, il appelait sa petite-fille pohanka, la païenne ; Milena
avait déduit des

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