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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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ce qui était sans valeur.
    L’atmosphère que Milena a connue dans la maison paternelle, au
fil des longues et décisives années de sa jeunesse, l’a marquée pour longtemps.
Le conflit permanent avec le père l’entraîna jusqu’à un point critique ; emportée
par son mépris du conventionnel, par sa rébellion contre une pseudo-morale
dépassée, elle en vint à perdre la mesure de ce qui est possible lorsqu’on veut
vivre « par-delà le Bien et le Mal ». Sa révolte l’entraîna beaucoup
trop loin, elle crut avoir la force et le droit de vivre selon ses propres lois.
C’est ainsi, par exemple, qu’elle s’habitua à faire un usage de la vérité
entièrement subordonné à son droit personnel, à décider selon son bon plaisir
de ce qui était vrai ou non. C’est à cette époque qu’on lui attribua l’étiquette
de menteuse. Mais ceux qui la critiquaient ainsi ne tenaient pas compte du fait
que Milena se trouvait dans cette période de transition où un jeune être en
rébellion est avant tout à la recherche de ses propres normes. Son insécurité
se traduisait par une morgue dangereuse ; elle connut alors une phase
provisoire d’effondrement moral qu’elle sut, pourtant, surmonter d’une manière
surprenante.

L’éveil des minervistes
    Milena fréquentait l’école de jeunes filles pragoise
Minerva ; c’était un lycée classique dont le niveau correspondait à l’idéal
scolaire de la vieille Autriche. L’étude du latin et du grec y était
obligatoire. L’école Minerva avait été fondée dès 1891 par un petit groupe d’intellectuels
tchèques au prix de considérables sacrifices financiers ; ce fut l’un des
premiers lycées de jeunes filles d’Europe. Cette école fut l' alma mater de nombre d’enseignantes, de sociologues, de médecins tchèques réputées. Parmi les
élèves de sa première promotion, on trouve par exemple le D r Alice
Masaryk, fille du fondateur et futur président de la République tchécoslovaque,
Thomas G. Masaryk*.
    On appelait généralement « minervistes » Milena et
ses camarades, les jeunes filles émancipées qui fréquentaient ce lycée ; c’était
là un surnom où l’admiration bienveillante se mêlait à l’ironie. Milena était l’une
des meilleures élèves du lycée, mais elle était tout sauf une enfant modèle. À
l’école Minerva naissaient d’étroites amitiés entre les élèves – non pas, comme
cela se passe généralement, entre lycéennes du même âge, d’une même classe, mais
selon un principe « vertical ». Se retrouvaient ensemble celles qui, en
dépit des différences d’âge, avaient les mêmes centres d’intérêt et les mêmes
aptitudes – et c’est de cette façon que naissait une sorte d’élite. Certaines
élèves éprouvaient pour Milena un véritable engouement et faisaient tout pour
lui plaire. Ainsi s’était constitué le trio Milena-Staša-Jarmila. Milena
exerçait sur l’une et l’autre une influence tout à fait différente et elle
représentait d’ailleurs pour chacune quelque chose de tout à fait différent. L’inclination
de Jarmila pour Milena était si grande qu’elle l’imitait d’une manière presque
servile. Elle portait les mêmes vêtements qu’elle, confectionnés par la même
couturière, et dont le Pr Jesensky acquittait d’ailleurs les factures sans le
savoir. Jarmila parlait avec les mêmes intonations que Milena, s’efforçait de s’exprimer
comme elle, avait adopté les mouvements légers de son modèle. Peut-être le
désir de cette jeune fille de copier Milena reposait-il essentiellement sur
leur ressemblance physique : elle était élancée – comme Milena –, avait, comme
elle, la taille fine et de longues jambes, très belles. Toutes deux avaient une
chevelure magnifique. Mais Jarmila allait plus loin encore. Elle réussit même à
s’approprier, jusqu’à la perfection, l’écriture originale et très expressive de
Milena. Tout cela était parfaitement conscient et voulu ; mais il ne s’agissait
pas, en l’occurrence, d’une simple passion de plagier ; en agissant ainsi,
Jarmila manifestait la très haute estime qu’elle vouait à son amie ; il n’y
avait tout simplement, pensait-elle, rien de mieux à s’approprier en général
que ce qu’elle empruntait à son amie. Elle lisait les mêmes livres que ceux que
dévorait Milena, écoutait la musique préférée de Milena et ne manquait pas de
tomber amoureuse quand Milena le faisait.

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