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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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Jesensky apprit l’existence de la liaison
amoureuse de sa fille avec Ernst Polak, il entra dans un état de grande fureur
et lui interdit tout contact avec ce Juif. Mais Milena ne fit aucun cas de
cette interdiction.
    *
    Ernst Polak travaillait comme traducteur dans une banque
pragoise. En fait, sa sphère d’activité réelle se situait dans un autre domaine.
Il fut l’inspirateur et le mentor de nombreux écrivains, à Prague d’abord, puis
plus tard à Vienne. C’était un esprit critique, un homme d’une grande culture
qui avait tout lu, était doté d’un sens du style très sûr ; mais dépourvu
de tout talent créateur. À son contact, Milena put se faire une idée générale
de cet édifice gigantesque que constitue la culture humaine. Il la présenta à
nombre de gens importants – de Franz Werfel à Franz Kafka. En sa compagnie, elle
rencontra Urzidil * , Willy Haas, Max Brod, Rudolf Fuchs, Egon Erwin
Kisch * et beaucoup d’autres. Presque tous étaient des hommes qui
œuvraient dans le présent et pour le présent, mais qui avaient peu ou rien à
voir avec la vie politique de leur époque. Le quartier général de ce cercle
était le café Arco. C’est la raison pour laquelle Karl Kraus * , avec
un infini mépris, en appelait les protagonistes les « Arconautes » ;
il écrivit dans Die Fackel un poème satirique où figurait la strophe suivante :
« Ça werfelte et ça brode, ça kafkate et ça kische [10] … »
Kraus avait réservé à Ernst Polak un traitement particulier en l’immortalisant
comme figure comique dans l’une de ses pièces de théâtre Literatur – oder
man wird da sehen [11] – opérette magique, Vienne, 1922.
    *
    Pendant la Première Guerre mondiale, Milena fit la
connaissance de Wilma Lövenbach. Ce fut le début d’une amitié qui devait durer
deux décennies. Wilma Lövenbach évoque leur première rencontre, en 1916, à l’occasion
de vacances qu’elles passaient sur le mont Špičák : « C’était en
plein été 1916 ; j’arrêtai ma voiture à laquelle était attelé un petit
cheval brun devant l’hôtel Prokop, sur le Špičák. Le soleil était en train
de se coucher. L’hôtel était une auberge sans prétention, située sur un col, d’où
l’on découvrait un vaste panorama sur la forêt de Bohême, avec ses arbres et
ses prairies superbes ; à droite et à gauche de l’escalier conduisant à l’hôtel,
je vis deux silhouettes qui, avec leurs parures flottantes presque identiques, semblaient
tout droit sorties d’un tableau de Botticelli : Milena et Jarmila. Cela
faisait longtemps que je les connaissais de vue ; je les rencontrais très
souvent à Prague, soit dans la rue, soit dans les concerts, toujours vêtues de
ces atours aussi gracieux que remarquables ; leurs vêtements se distinguaient
par leur coupe, le tissu dans lequel ils étaient taillés, par ce style
particulier dont ils s’inspiraient, par leur totale simplicité et enfin par le
choix de leurs couleurs. Milena ne portait jamais de vêtements de couleurs
franches. Elle aimait les dégradés allant du bleu à un gris clair froid, ou
encore au mauve et au violet. J’avais des amies parmi les minervistes, et elles
m’avaient déjà parlé de Milena et Jarmila. En fait, elles parlaient presque
exclusivement de Milena. C’était, d’un côté, pour dénigrer leur mode de vie
chic, et de l’autre, pour exprimer une certaine envie ; ce qui est sûr, c’est
qu’on les admirait. »
    C’est donc à l’occasion de ces semaines de vacances à l’hôtel
Prokop, sur le Špičák (où le Pr Jesensky passait, lui aussi, ses congés d’été
et d’hiver) que Wilma et Milena découvrirent leurs affinités. Leur amour commun
de la poésie fut le fondement de leur amitié. 1916 fut une année miracle :
nombre des meilleurs recueils de poésie tchèque furent alors publiés, ouvrant à
la littérature tchèque des voies nouvelles. Il faut rapporter cet essor
surprenant de la poésie tchèque au climat qui entourait les prodromes de l’indépendance
de la Bohême ainsi qu’à l’histoire politique de ce pays. Cela faisait des
siècles que toute expression artistique en langue tchèque y avait été soit
totalement opprimée, soit entravée dans son développement naturel. La seule
forme d’art qui put s’épanouir sans obstacle fut la chanson populaire tchèque. Les
poètes tirèrent parti de ce phénomène, précisément ; ils s’enracinèrent
dans cet art ; la

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