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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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quoi qu’il
en soit, c’en fut fini de mon amour pour Jaromir… »

Dans l’impasse
    « … ce sera un avant-goût de ce supplice de l’enfer qui
consiste à revoir sa vie avec l’œil de la connaissance, en quoi le pire ne sera
pas de percer à jour les mauvaises actions évidentes mais celles que j’ai crues
bonnes à un certain moment. » [44]
    Il fallut longtemps à Milena pour retrouver un nouvel
équilibre. Mais sa tentative d’en finir avec cette vie brisée la conduisit d’abord
à une impasse. Elle devint communiste. À Ravensbrück, elle me proposa une
explication de son évolution vers le communisme. À l’en croire, elle était
auparavant un être superficiel. Seule la maladie avait éveillé en elle un
sentiment de responsabilité à l’égard de la société et ce n’est qu’ainsi qu’elle
était devenue une personne consciente, éveillée aux réalités politiques. Elle
pensait qu’une telle rupture se produisait à un moment quelconque de la vie de
tout être responsable, et, plus encore, de tout être créateur. Avant sa maladie,
elle ne s’intéressait que de façon marginale aux problèmes politiques ou
sociaux. Ce n’est qu’alors qu’elle commença à s’en préoccuper sérieusement. À l’encontre
de nombreux intellectuels d’avant-garde des années vingt et trente qui se
contentèrent de flirter avec le communisme, Milena avait la particularité de s’engager
à fond et jusqu’aux ultimes conséquences pour une cause dès l’instant où elle
en avait reconnu la justesse. Mais son activité et ses prises de position politiques
étaient exclusivement déterminées par des considérations morales ; pour
elle, les valeurs humaines l’emportaient sur le programme politique.
    Avant même d’entrer au parti communiste, elle avait cessé de
travailler pour le très bourgeois Národní Listy et commencé à diriger la
rubrique féminine du journal de Čapek et Peroutka * , le Lidové
Noviny (Journal populaire), d’orientation libérale. Mais la qualité de ses
textes baissait sans cesse.
    Milena menait un combat désespéré contre la morphinomanie. Elle
fit deux séjours volontaires en sanatorium, y effectuant des cures de
désintoxication. Ses feuilletons étant presque exclusivement autobiographiques,
elle racontait donc à ses lectrices ses différentes expériences du sanatorium. La
chose se répétant, le rédacteur en chef de Lidové Noviny, saisi d’un
accès de rage, se mit à hurler : « Mais, madame, quand cesserez-vous
donc d’écrire ce genre d’article ? » Elle ne tarda pas à cesser
vraiment de le faire, lorsque, en 1931, elle entra au parti communiste.
    Au début, elle prit très au sérieux ses tâches de militante
communiste. Elle manifestait ses opinions en participant à des rassemblements
de rue, des meetings, elle se percevait comme combattante d’un monde meilleur. Son
ami Kodíček fait d’ailleurs une remarque intéressante à propos de ce
fourvoiement de Milena au parti communiste : « Connaissant son
radicalisme, on pouvait s’attendre qu’elle succombe, à un moment quelconque, à
la mode du communisme intellectuel […]. Mais il ne lui fallut pas longtemps
pour prendre conscience du caractère trouble, inhumain, mécanique de la
politique communiste ; en 1936, elle se fit exclure du Parti. »
    Quelque temps passa, néanmoins, avant cette exclusion. À
partir de 1930, elle travailla pour la revue communiste Tvorba (la Création). À Ravensbrück, elle m’avoua qu’elle avait presque complètement perdu la
faculté d’écrire lorsqu’elle appartenait au Parti. Après s’être efforcée, au
début, de se convaincre que le Parti était le seul détenteur de la vérité, elle
trouva bientôt insupportable de répéter sans cesse dans ses articles les mots d’ordre
du PC ou de devoir les rabâcher sous une autre forme. Une anecdote montre
combien elle aspirait alors à échapper à cette contrainte. Un jour, elle fit la
proposition – histoire de rire ou sérieusement, c’est difficile à dire – de
publier un numéro humoristique de Tvorba. On y mettrait cul par-dessus
tête la ligne du PC ; entre autres choses, on y traiterait le parti
social-démocrate comme un parti frère, et ainsi de suite. Lorsqu’elle fit part
de ce projet à Julius Fučik * , le rédacteur en chef de la Tvorba, celui-ci fut à ce point horrifié qu’il en eut presque une attaque. Pourtant,
on toléra assez longtemps le comportement non orthodoxe

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