Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
Vom Netzwerk:
de voir leurs manuscrits refusés et le pressaient de leur dire enfin qui
étaient vraiment ces cinq collaboratrices. Il se taisait, continuait à publier
les articles de Milena qui étaient bien meilleurs, bien plus justes et plus
vivants que ceux de ses camarades.
    *
    En 1934, le rédacteur en chef de Přítomnost (le
Présent), Peroutka, vint un jour trouver Miloš Vanĕk et lui demanda :
« Que diriez-vous à un couple de parents qui affirme qu’il ne peut rester
à Prague, qu’il doit absolument partir pour l’Union soviétique parce que son
enfant doit bientôt aller à l’école ? Ces gens disent qu’à Prague les
écoles sont corrompues par le système bourgeois et qu’il n’y a donc qu’une
solution : partir pour Moscou… » Ce couple, c’était Krejcar et Milena…
En effet, ils avaient vraiment conçu le projet d’aller à Moscou ; la
situation qui se dessinait alors en Europe, la menace que constituait l’Allemagne
nationale-socialiste avaient assurément influé pour une part essentielle dans
cette décision, même si Krejcar et Milena n’en avaient pas encore conscience. Aux
yeux de nombreux intellectuels, l’Union soviétique était alors la seule force
capable de barrer la route au fascisme. À cela s’ajoutait un autre facteur :
dans les années trente, nombre d’architectes modernes d’Europe de l’Ouest parmi
les amis et connaissances de Milena et Krejcar étaient partis pour l’Union
soviétique ; ils étaient convaincus d’y trouver un terrain d’action
réellement satisfaisant. Ils rêvaient d’obtenir commande de lotissements
entiers, voire de villes, et croyaient que l’État socialiste disposait de
possibilités illimitées. Aussi bien Le Corbusier que Gropius, Hannes Meyer, May * et d’autres encore avaient déjà pris le chemin de l’Union soviétique.
    Krejcar reçut une invitation de Moscou et partit seul :
au dernier moment, Milena avait décidé de rester à Prague.
    Les autorités soviétiques demandèrent à Krejcar de
construire les plans d’une maison de repos pour les cadres et les ouvriers de l’industrie
lourde à Kislovodsk, dans le Caucase. Krejcar déposa son projet, mais, à son
grand déplaisir, il lui fallut alors engager des discussions avec les
représentants de diverses instances étatiques, avec des gens qui n’entendaient
rien à l’architecture. Deux objections revenaient sans cesse, débouchant
régulièrement sur le rejet de son projet : son style était, lui disait-on,
trop moderne et ses plans ne répondaient pas aux exigences de la vie en régime
socialiste.
    Krejcar eut rapidement l’opportunité de se familiariser avec
la réalité soviétique ; il l’évoquait dans des lettres qui portaient la
marque de sa déception et qu’il adressait à ses amis pragois. Personne ne lui
répondait, à l’exception de Milena. Tous ses collègues communistes s’ensevelissaient
dans un silence indigné, considérant ses observations comme purs mensonges.
    On avait attribué à Krejcar, comme il est d’usage en Russie
soviétique, une interprète, une jeune et belle Juive lettonne qui s’appelait
Riva. De par sa propre expérience, Riva connaissait les allées sombres de la
dictature soviétique – elle avait déjà connu la prison. Krejcar et Riva
tombèrent amoureux l’un de l’autre, chose que n’avaient vraisemblablement pas
prévue les responsables communistes qui avaient attribué cette mission à la
jeune femme. Il était donc inévitable, une confiance absolue s’étant établie
entre Riva et Krejcar, qu’ils ne se dissimulent plus l’un à l’autre ce qu’ils
pensaient vraiment de la dictature communiste.
    Au bout de deux années de séjour en Russie soviétique, Krejcar
n’était pas parvenu à réaliser le moindre de ses projets architecturaux ; la
seule chose qu’il souhaitait était donc de quitter ce pays. Il se sépara de
Milena et épousa Riva qui réussit avec beaucoup d’habileté à se procurer des
visas de sortie pour eux deux ; en 1936, en pleine époque des grandes
purges de Staline, cela confinait presque au miracle.
    De retour à Prague, Jaromir Krejcar réalisa de nombreux
projets – entre autres une belle maison moderne rue Palackého Vinohrady ; en
dépit de leur séparation, il y installa un grand appartement au sixième et
dernier étage pour Milena et l’enfant. Tout autour de cet étage, construit
légèrement en retrait, courait un balcon où Milena installa des fleurs à
profusion

Weitere Kostenlose Bücher