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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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absurdes que dangereux
pour finir par perdre complètement la tête et affirmer : « Si l’on ne
me fait pas passer tout de suite la frontière, je vais vous dénoncer à la
Gestapo… »
    « Milena portait toujours une robe bleue, elle
accueillait chaque nouvel arrivant avec un geste aimable, généreux, le priait d’entrer,
raconte Zedtwitz. Son attitude apaisait tout le monde, sa simple présence avait
un effet bienfaisant. Quand elle était là, quelque chose faisait que les gens
devenaient meilleurs, elle les poussait, les entraînait, les contraignait à
prendre position… »
    Pourtant, dans son activité de résistance, Milena commettait
aussi bien des erreurs. Non seulement elle ouvrait les portes de son
appartement à tout le monde, mais elle n’observait aucune retenue dans les
conversations, négligeait toutes les mesures de sécurité nécessaires et pensait
qu’il était important de manifester ouvertement son hostilité aux envahisseurs
fascistes. On la voyait bien entendu dans la rue avec ses amis juifs, et
lorsque l’on apprit à Prague que les nazis obligeaient les Juifs polonais à
porter une étoile jaune, elle fixa à son manteau une étoile de David et l’arbora
dans les rues de Prague. Elle voulait servir d’exemple, espérant que ses compatriotes
agiraient comme elle.
    D’un côté, elle pressait nombre de ses amis et même l’homme
qu’elle aimait d’émigrer, les y aidait ; mais de l’autre, elle refusait
catégoriquement de quitter le pays elle-même, négligeant tous les
avertissements qui lui étaient lancés. L’un de ses amis lui dépeignit tous les
tourments qui l’attendaient lors d’une éventuelle arrestation : « Les
coups eux-mêmes sont difficilement supportables… Mais pense un peu à ce qui t’attend
si l’on te déporte en camp de concentration et que l’on ne cesse de t’y
maltraiter. C’est bien pire que de mourir d’une balle dans la peau… »
Milena était d’avis qu’elle n’avait pas le droit de laisser tomber les gens qu’elle
appelait à résister. Cela aurait été immoral au dernier degré, cela aurait
manifesté une absence de sens des responsabilités impardonnable, pensait-elle. On
peut donc supposer que Milena s’est sacrifiée consciemment ; la seule
chose qu’elle ne soupçonnait pas, c’est que l’issue arriverait si vite.
    Les Allemands n’étaient que depuis peu maîtres de Prague
lorsque Milena reçut un coup de téléphone de son père ; il lui demanda d’un
ton sévère comment il se faisait qu’elle n’était pas encore en prison. Tout
individu convenable, ajouta-t-il, doit se trouver derrière les barreaux, aujourd’hui…
On ne sait pas ce que lui répondit Milena. Mais Jan Jesensky n’eut pas à
attendre longtemps pour que son vœu soit exaucé.
    La Gestapo surveillait Milena. Elle reçut bien vite la
première convocation, dut subir le premier interrogatoire. On lui demanda si
elle fréquentait beaucoup les Juifs, ce à quoi elle répondit d’un air dégagé :
« Bien sûr, y voyez-vous quelque objection ? » Puis le
fonctionnaire de la Gestapo voulut savoir où se trouvait son ami, un Juif, et
elle refusa, bien sûr, de lui répondre. Cela faisait longtemps qu’il était à l’étranger.
Puis vint, infâme, la question suivante : « Et votre enfant, il est
peut-être d’un Juif, lui aussi ? », et Milena de répondre, la voix
chargée de regret : « Non, malheureusement pas. » C’est alors
que le type de la Gestapo perdit son calme et se mit à brailler : « Écoutez
un peu : ici, on n’a pas l’habitude qu’on nous réponde de cette façon ! »,
ce à quoi Milena répliqua : « Sans doute. Mais moi, je n’ai pas l’habitude
qu’on me pose ce genre de questions… »
    En juin, Milena se vit interdire d’écrire, mais elle
continua à diriger Přítomnost jusqu’à ce que la Gestapo en
interdise la publication, en août. Le I er septembre, deux jours
avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Ferdinand Peroutka fut
arrêté. La veille au soir, encore, Milena lui avait rendu visite. On le déporta
à Buchenwald d’où, au bout de quelque temps, le « ministre de la Culture »,
le collaborateur Moravec, le fit ramener à Prague et héberger dans un excellent
établissement, l’hôtel Esplanade. Moravec tenta d’acheter Peroutka et, n’y
parvenant pas, s’efforça de le contraindre à éditer un Přítomnost d’orientation
nationale-socialiste. Peroutka

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