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Milena

Milena

Titel: Milena Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Margarete Buber-Neumann
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éduqué.
    Sur tous les terrains de l’existence, en amour comme en
amitié, dans le soin qu’elle prenait des autres et dans son souci de la justice,
Milena était une fanatique. Elle le devint aussi, alors, dans son métier de
journaliste. Quelque chose la poussait, en dépit du danger qui s’accroissait de
mois en mois, à clamer haut et fort dans ses articles ce qu’elle pensait et
jugeait nécessaire : « Dans le tourbillon des bouleversements
politiques auxquels nous assistons, de l’émergence de nouvelles valeurs politiques,
le journaliste tchèque est le seul médiateur qui demeure entre les événements
et le peuple, le seul porte-parole et créateur de l’expression vivante des mots.
Il n’est personne parmi nous qui n’ait conscience de l’importance de cette
tâche, personne qui n’ait compris que c’est un honneur aujourd’hui de
travailler dans la presse, que le journaliste occupe une position digne et
éminente… » Voilà ce qu’elle lance à ses collègues en juin 1939 ; et
elle poursuit : « … dans la situation actuelle, nous ne pouvons, nous
autres journalistes, que ressentir la même chose. Ceux qui ressentaient les
choses différemment ont depuis longtemps lâché leur outil et laissé intacte
leur page blanche. Nous, ceux qui restent, sommes soumis à la mission sans
ambiguïté dont nous avons été chargés : éduquer la nation dans le sens d’une
vie nouvelle, d’espérances nouvelles, de tâches nouvelles… »
    Plus loin, dans le même article, Milena répond à la presse
allemande et à des lettres de lecteurs allemands qui expriment le soupçon que l’amour
du peuple tchèque dont elle ne cesse de parler dans ses textes ne recouvre rien
d’autre qu’une invitation à haïr la nation allemande. « Ce soupçon est
dirigé contre nous tous. Nous autres journalistes qui écrivons aujourd’hui, où
que ce soit, en tchèque, nous sentons nécessairement blessés par cette
accusation […]. Jamais, ni entre les lignes, ni d’un seul mot, nous n’avons
laissé entendre qu’il conviendrait d’agir de manière dissimulée […]. S’il faut
que nous cohabitions avec les Allemands […] nous ne devons pas permettre que s’affadisse
le sentiment de notre dignité nationale. Nous sommes auprès des Allemands comme
des égaux, nous ne leur sommes inférieurs ni pour le niveau culturel, ni pour
le savoir-faire, l’ardeur au travail, les aptitudes les plus diverses, l’honnêteté
personnelle.
    « Nous ne devons pas perdre la conscience de cette
valeur que l’on nous dénie, nous ne devons céder ni à la commodité, ni à la
dépression, ni à l’épuisement. Sous des formes diverses, nous avons toujours
dit la même chose […] et continuerons toujours de le dire. Personne n’a fait de
messes basses […]. Personne n’a laissé entendre, si peu que ce soit : épiez
les Allemands, placez-vous en embuscade. Tout écart de discipline, même
purement personnel, peut conduire à l’anéantissement du peuple tout entier. Ce
dont nous avons besoin, chacun d’entre nous le proclame à haute et intelligible
voix : cultivez une ténacité obstinée ; aimez le courage et l’audace ;
ne craignez rien, lorsqu’il le faudra, car il n’y a aucune raison de craindre, et
dites la vérité…
    « … Nous sommes un peuple adulte, doté d’une culture
européenne et chacun d’entre nous sait se servir de sa tête […]. Les
journalistes tchèques ne sont ni des bandits de grands chemins ni des
intrigants sournois et cachottiers [65] … »
    *
    L’appartement de Milena devenait un lieu de rencontre secret,
un refuge toujours plus fréquenté. Il arrivait qu’une dizaine de personnes s’y trouvent
en même temps.
    … Les Anglais sont assis dans un coin et discutent à voix
basse ; sur la vaste terrasse, une Juive russe joue avec son enfant et
Zedtwitz essaye vainement de communiquer avec elle ; dans la cuisine, M me  Menne,
dont le mari, ancien rédacteur en chef d’un journal de Essen, a déjà passé la
frontière, donne un coup de main ; Walter Tschuppik, allemand lui aussi, rédacteur
en chef, jusqu’en 1933, des Neueste Nachrichten de Munich, attend
patiemment son tour de partir, tandis que Rudolf Keller (qu’un douanier
polonais ivre a refoulé en territoire tchécoslovaque alors qu’il avait déjà
atteint le territoire polonais) parcourt l’appartement, désespéré, se lamente, clame
qu’il doit partir, donne des coups de téléphone aussi

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