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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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trouvait, parce que Jules n’est que demi-dieu, comme Romulus – mais non celui d’Auguste, qui est une divinité de première grandeur.
    Séjan et Livilla se demandaient maintenant comment parvenir à l’Empire. Néron, Drusus et Caligula représentaient des obstacles à écarter. Trois personnes, c’était beaucoup, mais comme le fit remarquer Livilla, sa grand-mère s’était bien arrangée pour se débarrasser de Caius, de Lucius et de Postumus afin de mettre Tibère sur le trône. Et Séjan était beaucoup mieux placé pour réussir que Livie. Pour bien montrer à Livilla qu’il avait réellement l’intention de l’épouser, il répudia sa femme Apicata, dont il avait trois enfants. Il l’accusa d’adultère, sans désigner publiquement le coupable, mais confia à Tibère qu’il soupçonnait Néron. Celui-ci, dit-il, avait des intrigues avec les femmes de plusieurs grands personnages : il semblait croire que comme héritier présomptif il pouvait tout se permettre. Pendant ce temps, Livilla essayait de détacher Livie d’Agrippine. Elle dit à Agrippine que Livie se servait d’elle comme d’une arme contre Tibère – ce qui, soit dit en passant, était vrai – et à Livie qu’Agrippine se servait d’elle de la même manière – ce qui était également vrai. Elle assurait à chacune que l’autre avait juré de la tuer dès qu’elle n’aurait plus besoin d’elle.
    Les douze Pontifes commencèrent à faire mention de Néron et de Drusus dans les prières qu’ils offraient pour la vie et la prospérité de l’Empereur. Tibère, en tant que Grand Pontife, leur reprocha de mettre les jeunes gens sur le même pied que lui, ce qui n’était pas convenable. Dans son premier discours, il mit le Sénat en garde contre « l’attribution de distinctions prématurées qui risquent d’éveiller dans le cerveau étourdi des jeunes gens des aspirations présomptueuses ».
    Séjan raconta ensuite à Tibère qu’Agrippine avait formé un parti secret, appelé le parti Vert Poireau, dont les membres se reconnaissaient à ce qu’ils jouaient des sommes énormes sur la couleur vert poireau, aux courses de chars. Il y avait à ces courses quatre couleurs : écarlate, blanc, bleu de mer et vert poireau. Cette dernière était alors la grande favorite, et l’écarlate la plus dédaignée. Or, Tibère assistait aux courses les jours de fête, comme l’y obligeait sa position officielle, mais jusque-là il ne s’y intéressait guère. À partir de ce moment il commença à remarquer les réactions de la foule et fut fort troublé de trouver le Vert Poireau si populaire. Séjan lui avait dit aussi que ces Vert Poireau désignaient secrètement ses partisans à lui sous le nom d’Écarlate. Il remarqua que lorsqu’un Écarlate gagnait, ce qui était rare, on l’accueillait par des huées et des coups de sifflet. Séjan savait que Germanicus pariait toujours pour le Vert Poireau et qu’Agrippine, Néron et Drusus, pour des raisons sentimentales, restaient fidèles à sa couleur.
    Aux grands Jeux Romains du début de septembre, on remarqua qu’un patricien nommé Silius jouait gros jeu sur le Vert Poireau. Séjan l’apostropha. « Je tiens contre toi pour la somme que tu voudras. J’ai misé sur l’Écarlate. – Tu as eu tort, mon ami, lui cria Silius. Le conducteur de l’Écarlate n’a pas la moindre idée de la façon dont on tient les rênes. Il veut tout faire avec son fouet. Je te parie mille tout net que c’est le Vert Poireau qui gagne. Néron, qui est un pro-Vert enragé, me dit qu’il fera ses quinze cents. » Séjan lança un coup d’œil significatif à Tibère, qui avait tout entendu et restait stupéfait de l’audace de Silius. Il vit un heureux présage dans le fait que le conducteur du char Vert Poireau tomba à l’avant-dernier tournant et que l’Écarlate arriva premier sans effort.
    Or ce Silius, qui pendant des années avait commandé un corps d’armée sur le Rhin, venait tout récemment encore d’étouffer une dangereuse révolte des tribus françaises aux environs de Lyon, ma ville natale. Dix jours plus tard il était traduit devant le Sénat pour crime de haute trahison. On l’accusait d’avoir provoqué la révolte des Français et exigé un tiers du butin en échange de sa non-intervention, puis d’avoir ensuite pillé de fidèles provinciaux et levé des impôts excessifs pour subvenir aux frais de sa campagne. Sa femme, Sosia, qui se trouvait être

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