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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Rome. Je n’étais pas bien sûr que ma qualité de beau-frère de Séjan fût suffisante pour me protéger.
    Car j’étais depuis peu le beau-frère de Séjan, et je vais raconter comment je l’étais devenu.
     

22
     
     
    Un jour Séjan me dit que je semblais en mauvais termes avec ma femme et me conseilla de me remarier. Je répondis qu’Urgulanille avait été choisie par ma grand-mère Livie et que je ne pouvais la répudier sans sa permission.
    — Oh ! non, naturellement, dit-il. Je le comprends bien. Mais tu dois être très malheureux sans femme.
    — Merci, lui dis-je ; je m’en arrange fort bien.
    Il vit là une bonne plaisanterie et éclata de rire en me disant que j’étais un sage. Mais il ajouta que si par hasard je trouvais un moyen de répudier Urgulanille il avait ce qu’il me fallait : une femme bien née, jeune et intelligente. Je le remerciai, mais j’étais assez mal à l’aise. En s’éloignant, il me dit : « Claude, mon ami, j’ai un conseil à te donner. Demain, mise sur l’Écarlate dans toutes les courses, et ne crains pas de perdre un peu au début : tu n’y perdras pas à la fin du compte. Mais surtout, pas de Vert Poireau : c’est une couleur qui porte malheur. Et ne dis à personne que je t’ai donné le tuyau. »
    Ainsi je valais encore la peine qu’on fît des frais pour moi ; je m’en sentis très soulagé, bien que je n’eusse rien compris à toutes ces histoires. Le lendemain – c’était le jour de la fête d’Auguste – Tibère me vit prendre ma place au cirque ; étant par hasard d’humeur affable, il me fit appeler et me demanda :
    — Que deviens-tu ces temps-ci, mon neveu ?
    Je répondis en bégayant que j’écrivais une histoire des anciens Étrusques.
    — Vraiment ? dit-il. C’est assez malin de ta part. Les vieux Étrusques ne sont plus là pour protester, et les nouveaux s’en moquent : tu peux raconter tout ce que tu voudras. Et que fais-tu d’autre ?
    — J… j… j’écris une histoire des anciens C… C… Carthaginois, s’il te plaît.
    — Parfait ! Et quoi encore ? Dépêche-toi un peu avec ton bégaiement : j’ai à faire.
    — Pour le m… m… moment j’allais m… m… m…
    — Me mettre à une histoire de la Lune ?
    — N… n… non, seigneur, m… m… miser sur l’Écarlate.
    Il me regarda d’un air finaud et me dit :
    — Je vois, mon neveu, que tu n’es pas tout à fait un imbécile. Et pourquoi joues-tu l’Écarlate ?
    J’étais fort embarrassé, car je ne pouvais pas dire à Tibère que le tuyau venait de Séjan.
    — J’ai rêvé, racontai-je, que le Vert Poireau se d… disqualifiait en se servant de son fouet contre ses c… c… concurrents, et que l’Écarlate arrivait p… p… premier avec le b… b… Bleu de mer et le Blanc loin derrière.
    Il me glissa une bourse et me chuchota à l’oreille :
    — Ne dis à personne que je te commandite, mais joue ceci sur l’Écarlate et voyons ce qui arrivera.
    C’était le jour de l’Écarlate, et en pariant à chaque course contre le jeune Néron je gagnai près de deux mille pièces d’or. Dans la soirée je jugeai prudent d’aller rendre visite à Tibère et de lui dire :
    — Voici la bourse qui m’a porté bonheur, seigneur, et une portée de petites bourses qu’elle a mises bas pendant la journée.
    — Tout pour moi ? s’écria-t-il. Eh bien, je suis en veine. Vive l’Écarlate, hein !
    C’était bien là un tour de mon oncle. Il n’avait pas spécifié à qui appartiendraient les bénéfices, et je supposais que c’était à moi. Si j’avais perdu il se serait bien arrangé pour me faire sentir que je lui devais la somme. Il aurait pu me donner au moins une commission.
    Quand je vins à Rome la fois suivante, je trouvai ma mère tellement hors d’elle qu’au début je n’osai pas lui dire un mot de peur de la mettre en colère et de recevoir un soufflet. Je compris seulement qu’il était question de Caligula et de Drusilla, âgés respectivement de douze et treize ans, qui habitaient chez elle. Drusilla était enfermée dans sa chambre sans nourriture ; Caligula était en liberté, mais paraissait mourir de peur. Dans la soirée il vint me trouver.
    — Oncle Claude, me dit-il, demande à ta mère de ne pas le dire à l’Empereur. Nous ne faisions aucun mal, je le jure. C’était seulement un jeu. Tu ne crois pas cela de nous. Dis-moi que tu ne le crois pas.
    Quand il m’eut expliqué ce

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