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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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Castor, c’est ce que nous allons voir ! Oublie un moment que je suis Protecteur du Peuple, Séjan, et mets-toi en garde !
    Séjan croisa les bras.
    — En garde, te dis-je, lâche !
    Séjan ne répondit pas, et Castor lui frappa violemment le visage de sa paume ouverte :
    — Maintenant, t’en iras-tu ?
    Séjan fit une révérence ironique et sortit, suivi de Livilla.
    Ce soufflet décida du sort de Castor. Séjan, la joue marquée de rouge, alla trouver Tibère. Il lui raconta qu’étant allé féliciter Castor de sa nomination, il l’avait trouvé ivre, et que Castor l’avait frappé en disant : « Oui, c’est bon de pouvoir maintenant faire cela sans qu’on vous le rende ! Et tu peux dire à mon père que j’en ferai autant à n’importe lequel de ses sales espions ! » Livilla confirma ses paroles. Tibère ne dit rien à Castor, mais fit élever une statue de Séjan dans le théâtre de Pompée – un honneur extraordinaire à accorder à un homme de son vivant. Les gens comprirent que Castor, malgré son titre, était en disgrâce, et que la faveur de Séjan restait la seule qui valût la peine d’être briguée. On fit de nombreuses reproductions de sa statue, que ses partisans placèrent dans leurs vestibules à la droite de celle de Tibère. Quant à celles de Castor, on en voyait fort peu. Il manifestait si clairement sa rancune devant son père, que la tâche de Séjan devenait aisée. Celui-ci dit à Tibère que Castor avait pressenti plusieurs sénateurs au sujet de l’usurpation de la monarchie ; quelques-uns d’entre eux lui avaient déjà promis leur concours. Ceux qui paraissaient les plus dangereux furent arrêtés, sur l’accusation coutumière de blasphème contre Auguste. L’un d’eux fut condamné à mort pour être allé aux latrines avec une pièce d’or d’Auguste à la main. Un autre fut incriminé pour avoir compris une statue d’Auguste dans une liste de meubles à vendre. Il eût été condamné à mort si le consul qui le jugeait n’avait prié Tibère de voter le premier : Tibère eut honte de réclamer la peine de mort, et l’homme fut acquitté. Mais on le condamna bientôt sous un autre prétexte.
    Castor prit peur et demanda à Livie son appui contre Séjan. Elle l’assura qu’il n’avait rien à craindre : elle ramènerait bientôt Tibère à la raison. Mais elle ne se fiait pas à Castor en tant qu’allié.
    — Ton fils, dit-elle à Tibère, accuse Séjan de débaucher Livilla, d’abuser de ta confiance en exerçant des chantages sur de riches sénateurs, et de viser à la monarchie.
    Elle espérait ainsi rendre Tibère aussi méfiant à l’égard de Séjan qu’il l’était à l’égard de Castor et le ramener sous sa dépendance. Pendant quelque temps elle y réussit. Mais un accident survint, qui convainquit Tibère de la fidélité de Séjan. Ils faisaient un pique-nique avec quelques amis dans une grotte, au bord de la mer, quand une partie de la voûte s’effondra subitement avec un grand fracas, en obstruant l’entrée. Plusieurs serviteurs furent tués, d’autres ensevelis. Séjan resta courbé au-dessus de Tibère – ils n’avaient rien ni l’un ni l’autre – pour le protéger contre un autre éboulement. Quand les soldats les délivrèrent, une heure plus tard, il était encore dans la même posture. Thrasylle aussi, d’ailleurs, tira honneur de cet accident, car il avait prédit à Tibère qu’il y aurait ce jour-là une heure de ténèbres en plein midi. Il assurait à son maître que Séjan n’était pas dangereux pour lui et qu’il lui survivrait de plusieurs années. Je suppose que Séjan lui avait donné le mot, quoique je n’en aie pas la preuve : Thrasylle n’était pas absolument incorruptible, mais les prophéties qu’il arrangeait pour faire plaisir à ses clients se réalisaient aussi bien que les autres. Tibère, en effet, survécut à Séjan de plusieurs années.
    Quelque temps après, il censura Castor en plein Sénat pour s’être dispensé d’assister au sacrifice d’ouverture de la Chambre, après les vacances d’été. Castor avait écrit qu’une autre affaire officielle l’empêchait de regagner la ville à temps.
    — On croirait, dit Tibère avec mépris, qu’il s’agit d’une campagne en Germanie ou d’une visite diplomatique en Arménie – alors que toute cette « affaire officielle » consiste en bains et en canotage à Terracina. Que moi, au déclin de mes jours, je

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