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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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jour ? de Naples on se rendait à Capri en une heure à peine. Tibère répondit qu’Héluo avait les meilleurs médecins et devait prendre patience : d’ailleurs il devait bientôt se rendre lui-même à Rome et voulait que Séjan fût là pour le recevoir. À peu près vers la même époque il fit acquitter un ancien gouverneur d’Espagne que Séjan accusait d’extorsion, sous prétexte que les témoignages se contredisaient. C’était la première fois qu’il ne soutenait pas Séjan en pareille circonstance. Celui-ci commença à prendre peur. Son mandat de consul arriva à expiration.
    Le jour fixé par Tibère pour son arrivée, Séjan attendait à la tête d’un bataillon de Gardes devant le temple d’Apollon, où des réparations qu’on exécutait au Sénat obligeaient l’assemblée à siéger. Tout à coup Macro s’approcha à cheval et le salua. Séjan lui demanda pourquoi il avait quitté le camp. Macro répondit qu’il avait une lettre de Tibère à remettre au Sénat.
    — Pourquoi toi ? demanda Séjan d’un air soupçonneux.
    — Et pourquoi non ?
    — Mais pourquoi pas moi ?
    — Parce que la lettre te concerne !
    Et Macro lui murmura à l’oreille : « Félicitations, mon général ! Il y a une surprise pour toi dans cette lettre. Tu vas être nommé Protecteur du Peuple. Cela revient à dire que tu seras notre prochain empereur. » Séjan, transporté de joie, entra précipitamment au Sénat.
    Alors Macro fit mettre les hommes au garde-à-vous.
    — Mes enfants, dit-il, l’Empereur vient de me nommer général à la place de Séjan. Rentrez tout droit au camp : votre garde est finie. Vous direz aux autres que c’est maintenant Macro qui commande, et que ceux qui savent obéir recevront trente bonnes pièces d’or. Qui est le plus ancien des capitaines ? Toi ? Conduis-les. Mais pas trop de bruit, n’est-ce pas ?
    Les Gardes se retirèrent et Macro chargea le commandant des Veilleurs, qu’on avait averti d’avance, de fournir un peloton pour les remplacer. Puis il entra au Sénat derrière Séjan, tendit la lettre aux consuls et sortit avant qu’ils en eussent lu le premier mot. Il constata que les Veilleurs étaient à leur poste, puis rattrapa les Gardes au galop pour prévenir toute bagarre à leur arrivée au camp.
    Cependant la nouvelle du Protectorat de Séjan s’était répandue dans le Sénat : on commençait à l’acclamer et à le féliciter. Le doyen des consuls demanda le silence et commença à lire la lettre. Tibère s’excusait d’abord de ne pas assister à la séance – excès de travail et mauvaise santé – puis il passait à des sujets d’ordre général et blâmait Séjan de sa précipitation à accuser l’ex-gouverneur sans preuves suffisantes. Séjan souriait : ces réprimandes de Tibère servaient généralement de prélude à l’octroi de nouveaux honneurs. Mais la lettre continuait sur le même ton, avec une sévérité croissante, et le sourire s’effaçait peu à peu du visage de Séjan. Les sénateurs qui l’avaient acclamé froncèrent le sourcil : un ou deux de ceux qui étaient assis près de lui trouvèrent une excuse pour aller se placer à l’autre bout de la salle. Tibère terminait en disant que Séjan s’était rendu coupable de graves irrégularités : à son avis il devait être arrêté. Le consul, à qui Macro avait expliqué la veille au soir ce que Tibère attendait de lui, appela : « Séjan, viens ici ! » Séjan n’en pouvait croire ses oreilles. Il attendait toujours la fin de la lettre et son Protectorat. Le consul dut l’appeler par deux fois avant qu’il eût compris.
    — Moi ? dit-il. Tu veux parler de moi ?
    Dès que ses ennemis se rendirent compte qu’il était tombé enfin, les huées et les sifflets éclatèrent. Ses amis et ses parents, craignant pour leur propre sécurité, firent chorus. En un instant il se trouva entièrement seul. Le consul posa la question : Fallait-il se ranger à l’avis de l’Empereur ? – « Oui, oui ! » cria l’assemblée d’une seule voix. On appela le commandant des Veilleurs : quand Séjan vit que ses Gardes avaient disparu et que les Veilleurs avaient pris leur place, il comprit qu’il était perdu. On le conduisit en prison : la populace, ayant eu vent de ce qui se passait, s’amassa autour de lui en criant et en le bombardant d’ordures. Il se couvrit le visage de sa robe, mais on le menaça de le tuer s’il ne se montrait

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