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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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voulait Antonia pour pouvoir dorloter quelque chose qui lui appartînt en propre – la soif d’être grand-mère, comme on dit.
    Le seul membre de la famille de Séjan qui en réchappa fut son frère : il en réchappa, chose étrange, pour s’être moqué publiquement de la calvitie de Tibère. À la dernière fête annuelle en l’honneur de Flore, qu’il s’était trouvé présider, il n’avait employé que des chauves à l’accomplissement des cérémonies : celles-ci ayant duré jusqu’au soir, les spectateurs, à la sortie du théâtre, furent éclairés par cinq mille enfants, torche en main et la tête rasée. Un sénateur raconta la chose à Tibère en présence de Nerva, et Tibère, pour faire une bonne impression sur ce dernier, déclara qu’il pardonnait au coupable. « Si Jules César laissait passer les plaisanteries sur sa calvitie, pourquoi m’en offusquerais-je ? » À la chute de Séjan il décida, par un caprice analogue, de renouveler sa magnanimité.
    Les Gardes, auxquels Macro avait promis trente pièces d’or, en reçurent cinquante. Tibère se rendait compte maintenant qu’ils représentaient sa seule protection sûre contre le peuple et le Sénat. « Il n’y a pas un homme à Rome, dit-il à Caligula, qui ne mangerait volontiers de ma chair. » Les Gardes, pour bien montrer leur fidélité à Tibère, se plaignirent qu’on leur eût fait tort en leur préférant les Veilleurs pour conduire Séjan en prison. En signe de protestation ils sortirent du camp et allèrent piller les faubourgs. Macro les laissa faire toute la nuit, mais quand le rassemblement sonna le lendemain à l’aube, tous ceux qui n’étaient pas de retour au bout de deux heures furent fustigés presque à mort.
    Au bout de quelque temps Tibère proclama l’amnistie. On ne pouvait plus être mis en jugement pour avoir entretenu des relations avec Séjan ; si même quelqu’un, maintenant que justice était faite, voulait prendre son deuil, il en avait le droit. Plusieurs citoyens le firent, s’imaginant que c’était là ce que voulait Tibère – mais ils se trompaient. Il leur fallut bientôt défendre leur tête contre des accusations parfaitement dénuées de fondement, dont la plus commune était celle d’inceste.
    On se demandera peut-être comment il restait encore des sénateurs et des chevaliers après toute cette boucherie ; mais Tibère comblait les vides par des promotions constantes. Être né libre, n’avoir jamais été condamné, posséder tant de milliers de pièces d’or, c’était suffisant pour devenir chevalier, et les candidats ne manquaient pas, bien que les droits d’initiation fussent élevés.
    Tibère devenait de plus en plus cupide. Il fallait maintenant que tous les gens riches lui laissassent par testament au moins la moitié de leurs biens : s’ils ne le faisaient pas, Tibère découvrait dans le testament quelque vice légal qui l’invalidait et s’appropriait toute la fortune sans rien donner aux héritiers. Il ne dépensait à peu près rien en travaux publics : il n’avait pas même achevé le temple d’Auguste. Il rognait les distributions de blé et l’allocation des jeux. Il payait les troupes régulièrement, mais c’était tout. Quant aux provinces, il ne s’en occupait plus, pourvu que les impôts et le tribut rentrassent régulièrement : il ne prenait même pas la peine de nommer de nouveaux gouverneurs quand les anciens venaient à mourir. Une délégation d’Espagnols vint un jour se plaindre à lui d’être sans gouverneur depuis quatre ans : le personnel du gouvernement précédent pillait la province d’une manière honteuse.
    — Quoi, dit Tibère, vous voudriez un nouveau gouverneur ? Mais un nouveau gouverneur vous amènera un personnel nouveau, et ce sera encore pire. Je vais vous raconter une histoire. Un soldat grièvement blessé attendait sur le champ de bataille que le chirurgien vînt panser sa plaie couverte de mouches. Un de ses camarades, moins gravement atteint, vit ces mouches et voulut les chasser.
    — Oh ! non, cria le blessé, ne fais pas cela ! Ces mouches sont maintenant presque gorgées de sang et me font beaucoup moins de mal qu’au début : si tu les chasses il en viendra d’autres plus affamées, et ce sera ma fin.
    Les mouchards commencèrent à accuser les gens riches de prêter de l’argent au-dessus du taux d’intérêt légal. Une loi fixait ce taux à un et demi pour cent, mais elle était

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