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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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avait pris le douzième livre et l’avait emporté dans les bois pour l’examiner. Il me faisait dire que je pouvais lui offrir l’ouvrage, à condition de m’abstenir d’expressions extravagantes dans la dédicace. Cela me rassura quelque peu, mais on ne pouvait jamais se fier aux apparences d’amitié de Tibère. J’étais naturellement fort inquiet de savoir ce qui arriverait et en voulais beaucoup à ma mère d’avoir ainsi exposé ma vie en me mêlant à une querelle entre Tibère et Séjan. Je pensai à m’enfuir, mais je ne savais où aller.
    Le premier événement qui se produisit fut la maladie d’Héluo. Nous devions apprendre plus tard qu’elle était feinte : Livilla lui avait donné le choix entre s’aliter en faisant semblant d’être malade et s’aliter en l’étant réellement. On la transporta de Rome à Naples, où le climat était censé meilleur. Tibère ajourna les noces, mais appela Séjan son gendre, tout comme si le mariage avait déjà eu lieu. Il le nomma sénateur et pontife et en fit son collègue au Consulat. Mais il eut ensuite un geste qui réduisit à rien toutes ces faveurs. Il invita Caligula à Capri pendant quelques jours et le renvoya chargé d’une lettre où il le confiait à Séjan. C’était avertir celui-ci que sa lutte contre la famille de Germanicus avait assez duré. La ville, d’ailleurs, regardait sa nomination au Consulat comme de mauvais augure pour lui : c’était le cinquième mandat de Tibère, et chacun de ses collègues précédents avait fait une mauvaise fin : Varus, Cnaeius Pison, Germanicus, Castor. On commença à espérer que les malheurs de la nation étaient finis : un fils de Germanicus monterait sur le trône. Séjan ne serait pas le prochain empereur. On se persuadait que Caligula avait hérité de toutes les vertus de son père. Tibère, lui, qui s’y connaissait en vice, s’amusait fort de voir le soulagement que causait son choix. Mais la popularité croissante de Caligula lui était nécessaire pour tenir Séjan en échec.
    Il se confia en partie au jeune homme et le chargea de trouver, en bavardant adroitement avec les Gardes, lequel de leurs capitaines avait la plus grande influence dans le camp après Séjan. Caligula, s’affublant d’une perruque et de vêtements de femme, se lia avec deux jeunes prostituées et commença à fréquenter en leur compagnie les tavernes des faubourgs où les soldats passaient la soirée. Le buste rembourré, le visage couvert de fards, il pouvait passer pour une femme – trop grande et guère séduisante, sans doute, mais femme malgré tout. Il racontait dans les tavernes qu’il était entretenu par un riche marchand qui lui donnait tout l’argent qu’il voulait ; et il offrait à boire à la ronde, ce qui le rendit bientôt populaire. Il fut vite au courant des bavardages du camp. Le nom qui y revenait le plus souvent était celui d’un capitaine appelé Macro, fils d’un affranchi de Tibère et de l’avis de tous la brute la plus intrépide de Rome. Les soldats parlaient avec admiration de ses soûleries, de ses paillardises, de son autorité sur les autres capitaines et de sa présence d’esprit dans les situations difficiles. Séjan lui-même avait peur de lui, disaient-ils : Macro était le seul qui lui eût jamais tenu tête. Un beau soir Caligula lia connaissance avec Macro et lui révéla en secret son identité : ils firent un tour et bavardèrent longuement ensemble.
    À ce moment Tibère commença à écrire au Sénat une série de lettres étranges. Tantôt il était malade et presque mourant ; tantôt il se trouvait subitement guéri et devait arriver à Rome d’un instant à l’autre. Il parlait aussi de Séjan d’une manière singulière, mêlant des louanges extravagantes aux reproches les plus vifs. L’impression générale était qu’il retombait en enfance. Séjan, déconcerté, se demandait s’il fallait tenter immédiatement la révolution ou se maintenir sur ses positions jusqu’à ce que la mort ou la sénilité l’eussent débarrassé de Tibère. Il aurait voulu aller à Capri pour se rendre compte de ce qui se passait au juste. Mais quand il demanda à Tibère la permission d’aller le voir, celui-ci répondit qu’un des consuls sur deux devait rester à Rome : c’était déjà assez irrégulier que lui-même fût toujours absent. Séjan insista : Héluo était gravement malade à Naples ; ne pouvait-il aller la voir, ne fût-ce qu’un

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