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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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généralement « Rome », « Auguste », « Jupiter », « Victoire » ou quelque chose d’analogue ; mais maintenant, pour ennuyer Cassius, Caligula lui donnait des mots ridicules, comme « Lacets de corset », « Mille tendresses », « Fers à friser », « Embrasse-moi, sergent » : Cassius devait les communiquer à ses camarades et supporter leurs taquineries. Il décida de tuer Caligula.
    Celui-ci était plus fou que jamais. Un beau jour il entra dans ma chambre et me déclara de but en blanc : « Je vais avoir trois villes impériales, mais Rome ne sera pas du nombre. J’aurai d’abord ma ville des Alpes – puis je rebâtirai Rome à Antium, parce que c’est ma ville natale et qu’elle mérite cet honneur, et aussi parce qu’elle est au bord de la mer. Et j’aurai aussi Alexandrie, au cas où les Germains prendraient les deux autres. Alexandrie est un endroit très cultivé.
    — Oui, mon Dieu », répondis-je humblement.
    Tout à coup il se rappela qu’on l’avait traité de « bonne femme chauve » – j’avoue que ses cheveux étaient maintenant très rares au sommet du crâne. « Comment oses-tu, s’écria-t-il, te promener devant moi avec cette horrible tignasse ? C’est un blasphème. » Il se tourna vers ses Germains. « Coupez-lui la tête. »
    Je me crus perdu une fois de plus. Mais j’eus la présence d’esprit de dire vivement au Garde qui s’élançait vers moi l’épée à la main : « Que fais-tu, imbécile ? Le Dieu n’a pas dit « tête », il a dit « cheveux ». Cours chercher les grands ciseaux ! » Caligula, déconcerté, crut sans doute qu’il avait bien dit « cheveux » ; il laissa le Germain aller chercher les ciseaux. On me tondit ras comme un œuf. Je demandai la permission de consacrer les mèches coupées à Sa Divinité, ce qu’il m’accorda gracieusement. Il fit ensuite tondre tout le monde au palais, sauf les Germains. Quand ce fut le tour de Cassius, il s’écria : « Oh ! quel dommage ! Ces charmantes petites boucles que le sergent aime tant ! »
    Ce soir-là Cassius rencontra dans un corridor Marcus Vinicius, le mari de Lesbie, qui avait été le meilleur ami de Ganymède, et qu’un mot prononcé le matin par Caligula semblait destiner à ne pas lui survivre longtemps. « Bonsoir, dit-il, Cassius Chéréas, mon ami. Quel est le mot de passe ce soir ? »
    Jamais Marcus Vinicius n’avait appelé Cassius « mon ami ». Celui-ci le regarda avec attention.
    Vinicius continua : « Cassius, nous avons beaucoup en commun, et quand je dis « mon ami », je le pense. Quel est le mot de passe ?
    Ce soir, dit Cassius, c’est « Petites boucles ». Mais, Marcus Vinicius, mon ami – si je peux vraiment t’appeler ainsi – donne-moi le mot de passe « Liberté » et mon épée est à ton service. »
    Vinicius le serra dans ses bras. « Nous ne sommes pas les deux seuls. Le Tigre est aussi avec moi. » Le « Tigre », de son vrai nom Cornélius Sabinus, était un autre colonel de la Garde, qui remplaçait Cassius quand celui-ci n’était pas de service.
    La grande fête du Palatin commençait le lendemain. Cette fête, instituée par Livie en l’honneur d’Auguste au début du règne de Tibère, se tenait une fois l’an dans la cour sud du vieux palais. Elle commençait par des sacrifices à Auguste et une procession symbolique, suivis de trois jours consacrés aux représentations théâtrales, aux danses, aux chants, aux jongleries. De ces trois jours Caligula, cette année-là, en avait fait huit, en y ajoutant des courses de chars et des combats nautiques. Il voulait se distraire sans interruption jusqu’au jour de son embarquement pour Alexandrie, qu’il avait fixé au 21 janvier. Il allait en Égypte voir le pays, trouver de l’argent au moyen des mêmes roueries qu’en France, préparer la reconstruction d’Alexandrie, enfin, il s’en vantait, pour mettre une tête neuve au Sphinx.
    La fête commença. Caligula sacrifia à Auguste, mais avec un peu de négligence et de dédain, comme un maître qui dans un moment d’urgence doit rendre quelque service domestique à un de ses esclaves. Quand ce fut terminé, il proclama qu’il était prêt à accorder au peuple n’importe quelle faveur, pourvu qu’elle fût en son pouvoir. Il s’était fâché récemment contre les citoyens, qui n’avaient pas montré assez d’enthousiasme au dernier combat de bêtes fauves, et les avait

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