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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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c’était par là qu’un homme de confiance, un robuste affranchi, lui amenait les personnages peu recommandables – prostituées, charlatans, magiciens et diseurs de bonne aventure – avec lesquels il passait généralement ses soirées. On disait que ces gens, s’ils avaient déplu à Tibère, faisaient souvent un faux pas sur le chemin du retour et tombaient à la mer.
    Auguste, comme je l’ai dit, refusa de renouveler à l’expiration des cinq ans le Protectorat de Tibère. Son refus mit ce dernier dans une situation fort gênante à Rhodes, où on ne l’aimait point. Les Rhodiens, le voyant privé de son escorte et de son inviolabilité, commencèrent à le traiter avec familiarité, puis avec insolence. Un fameux professeur de philosophie dont il demandait à suivre les cours lui répondit : « Je n’ai pas de place pour le moment, reviens dans huit jours. » Puis Tibère apprit par Livie que Caius partait pour l’Orient comme gouverneur de l’Asie Mineure : mais Caius, bien qu’il fût tout près, à Chio, ne se dérangea pas pour lui rendre visite. Un ami de Tibère lui en donna la raison : Caius ajoutait foi aux faux bruits qui couraient à Rome et suivant lesquels Tibère et Livie préparaient une révolte de l’armée. Un membre de sa suite lui avait même proposé en public, après boire, de s’embarquer pour Rhodes et de rapporter la tête de l’exilé ; Caius avait répondu que celui-ci ne lui faisait pas peur : il pouvait garder sa sotte tête sur ses sottes épaules.
    Tibère, ravalant sa vanité, partit aussitôt pour Chio faire sa paix avec son beau-fils. Cette humilité souleva bien des commentaires. Tibère, le plus distingué des Romains après Auguste, faire sa cour à un adolescent, au fils de sa femme déshonorée ! Caius, sous des apparences de froideur, en fut au fond extrêmement flatté. Tibère le pria de ne rien craindre : les bruits qui avaient couru sur son compte étaient aussi dénués de fondement que tendancieux. Il n’avait aucune intention de reprendre une carrière politique interrompue naguère en faveur de Caius lui-même et de son frère Lucius : tout ce qu’il souhaitait maintenant était de passer le reste de sa vie dans une paix qu’il appréciait plus que tous les honneurs.
    Caius, flatté d’avoir une occasion de se montrer magnanime, appuya personnellement auprès d’Auguste une lettre de Tibère où celui-ci affirmait qu’il avait quitté Rome uniquement afin de ne pas porter ombrage aux jeunes princes, ses beaux-fils ; maintenant qu’ils étaient plus âgés et bien établis, rien ne l’empêchait plus de vivre tranquillement à Rome. Il en avait assez de Rhodes et désirait revoir sa famille et ses amis. Auguste répondit – à Caius et non à Tibère – que ce dernier était parti malgré les remontrances des siens, au moment où l’État avait le plus besoin de lui, et qu’il n’avait pas maintenant à poser les conditions de son retour. Le contenu de cette lettre se répandit : Tibère s’inquiéta. En France, les Nîmois avaient renversé les statues qui commémoraient ses victoires. On lui disait que Lucius ajoutait foi aux fausses nouvelles qui circulaient sur lui. Il quitta la ville et s’installa dans une petite maison à l’autre bout de l’île : de temps en temps seulement il se rendait à sa villa du promontoire. Il ne prenait plus soin de sa santé ni de sa tenue, se rasait rarement, circulait en robe de chambre et en pantoufles. Enfin il écrivit à Livie pour lui exposer le danger de sa situation. Si elle lui obtenait la permission de revenir, il jurait de se laisser guider uniquement par elle aussi longtemps qu’ils vivraient tous les deux. Il s’adressait à elle, disait-il, moins comme à une tendre mère que comme au pilote inavoué, mais véritable, du vaisseau de l’État.
    C’était tout juste ce que voulait Livie. Jusque-là elle s’était gardée d’intercéder pour lui auprès d’Auguste : elle voulait le voir aussi las de l’inaction et du mépris public qu’il l’était auparavant de l’activité et des honneurs. Elle répondit brièvement que sa lettre était bien arrivée et que c’était marché conclu. Quelques mois plus tard Lucius, qui se rendait en Espagne, mourut à Marseille d’une manière assez mystérieuse. Pendant qu’Auguste était encore sous le coup de cette nouvelle, Livie commença à l’attendrir en lui disant combien son cher fils Tibère lui avait manqué

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