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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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bœuf. Je me rappelle une anecdote salée sur la manière dont Pompée avait gagné son surnom de Grand – oh ! cette rave ! – et une autre, encore pire, sur la façon dont il avait lui-même perdu tous ses cheveux au bazar d’Alexandrie. Je te les raconterais toutes les deux si ce n’était pour ce jeune homme – d’ailleurs je suis bien sûr que tu n’y comprendrais rien, n’ayant pas été éduqué au camp de César. Pas un mot de la bataille qui se préparait, sinon à la fin : « Pauvre vieux Pompée ! Quelle chance a-t-il contre Jules César et ses hommes ? »
    — Tu n’as pas mis cela dans ton Histoire, dit Tite-Live.
    — Pas dans les éditions publiques, répliqua Pollion. Je ne suis pas un imbécile. Si tu veux que je te prête le supplément secret que je viens d’achever, tu l’y trouveras. Mais peut-être ne prendras-tu pas la peine de me le demander. Écoute la fin de l’histoire : César, comme tu sais, était un mime de premier ordre. Il leur a imité Pompée prononçant son discours suprême avant de tomber sur son épée – toujours la rave, à moitié mangée. Au nom de Pompée, il insultait les dieux immortels qui permettent toujours au vice de l’emporter sur la vertu. Les hommes se tordaient. Enfin il hurla : « Et c’est diablement vrai, même si c’est Pompée qui le dit ! Ce n’est pas vous qui le nierez, salopards que vous êtes ! » Il leur lança le trognon de rave à la volée. Cet éclat de rire ! On n’a jamais vu de soldats comme ceux de César. Te rappelles-tu ce qu’ils chantaient à son triomphe, au retour de France ?
     
    Nous ramenons le paillard chauve,
    Romains, enfermez vos femmes !
     
    — Pollion, mon cher, dit Tite-Live, nous ne discutions pas des mœurs de César, mais de la meilleure façon d’écrire l’histoire.
    — Tu as raison. Notre jeune et intelligent ami critiquait ta méthode, sous le prétexte respectueux de vanter ta facilité. Mon garçon, as-tu d’autres accusations à porter contre le noble Tite-Live ?
    — Ne me fais pas rougir, seigneur, lui dis-je. J’admire beaucoup l’œuvre de Tite-Live.
    — La vérité, mon garçon ! N’as-tu jamais relevé chez lui d’inexactitudes historiques ? Tu as l’air de quelqu’un qui lit beaucoup.
    — J’aimerais mieux ne pas me hasarder…
    — Allons, allons. Il doit y avoir quelque chose.
    — J’avoue, dis-je, qu’il y a un point qui m’intrigue. C’est l’histoire de Porsenna. Selon Tite-Live, Lars Porsenna n’a pas pris Rome : il en a été empêché d’abord par la conduite héroïque d’Horatius sur le pont, puis par l’audace surprenante de Scévola qui, fait prisonnier en tentant de l’assassiner, plongea la main dans la flamme de l’autel et jura que trois cents Romains avaient fait comme lui le serment d’exécuter ce meurtre. Sur quoi Porsenna fit la paix. Mais j’ai vu sa tombe à Clusium : la frise représente des Romains sortant sous le joug des portes de la ville. On y voit un prêtre étrusque couper avec des ciseaux la barbe des Pères. Et Denys d’Halicarnasse lui-même, bien que très favorablement disposé envers nous, rapporte que le Sénat vota à Porsenna un trône d’ivoire, un sceptre, une couronne d’or et une robe triomphale – ce qui signifie évidemment qu’on lui a rendu les honneurs souverains. Il se peut donc qu’en dépit d’Horatius et de Scévola, Lars Porsenna ait bien pris Rome.
    Tite-Live se fâcha.
    — Tu m’étonnes, Claude. As-tu si peu de respect pour la tradition romaine que tu ajoutes foi aux mensonges inventés par d’anciens ennemis pour amoindrir notre gloire ?
    — Je demande seulement, dis-je avec humilité, ce qui s’est réellement passé alors.
    — Allons, Tite-Live, dit Pollion, réponds au jeune homme. Que s’est-il passé ?
    — Une autre fois, répondit Tite-Live. Ne sortons pas de notre sujet, qui est la meilleure manière d’écrire l’histoire. Claude, mon ami, tu as des ambitions de ce côté. Qui de nous deux choisiras-tu pour modèle ?
    — Vous embarrassez ce pauvre garçon avec vos jalousies, intervint Sulpicius. Que voulez-vous qu’il vous réponde ?
    — La vérité ne nous offensera ni l’un ni l’autre, repartit Pollion.
    Je les regardai tous les deux.
    — Je crois que je choisirai Pollion. Ne pouvant espérer atteindre à l’élégance littéraire de Tite-Live, je ferai de mon mieux pour imiter l’exactitude et le soin de Pollion.
    Tite-Live

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