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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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le Parnasse : Dieu a détruit le monde entier, sauf Deucalion, sa famille, et quelques animaux qui se sont réfugiés là. Il y a des espèces variées : malheureusement il n’y a qu’un seul représentant de chacune. Pour repeupler la terre il faut donc accoupler les animaux au petit bonheur, en dépit des scrupules moraux et des difficultés que tu devines. Deucalion fiance le chameau à l’éléphante…
    — Chameau et éléphante ! Magnifique ! gloussa Urgulanie. Regarde le long cou de Claude, son corps maigre, sa longue figure sotte ! Et mon Urgulanille avec ses gros pieds, ses grandes oreilles flottantes, ses petits yeux de goret ! Ha ! ha ! ha ! Et qu’ont été leurs enfants ? Des girafes ?
    — La pièce ne va pas jusque-là. Iris apparaît sur la scène et annonce que d’autres animaux se sont réfugiés sur le mont Atlas. Elle arrête les noces juste à temps.
    — Est-ce que le chameau est déçu ?
    — Oh ! amèrement !
    — Et l’éléphante ?
    — Elle fait simplement la grimace.
    — Est-ce qu’ils s’embrassent avant de se séparer ?
    — Aristophane ne le dit pas, mais c’est bien sûr. Allons, animaux ! embrassez-vous !
    Je souris stupidement. Urgulanille fronça les sourcils.
    — Embrassez-vous, je vous dis ! répéta Livie d’une voix qui signifiait que nous n’avions qu’à obéir.
    Nous nous embrassâmes, et les deux vieilles femmes eurent un nouvel accès de rire hystérique. En sortant, je chuchotai à Urgulanille : « Pardonne-moi. Ce n’est pas ma faute. » Mais elle ne répondit qu’en fronçant les sourcils un peu plus fort.
    Nous ne devions nous marier que dans un an, la famille ayant décidé de reculer ma majorité jusqu’à l’âge de quinze ans et demi. D’ici là il pouvait arriver beaucoup de choses. Si Iris voulait apparaître ! Mais elle n’apparut pas.
    Postumus avait aussi ses ennuis : il était majeur, et il ne s’en fallait plus que de quelques mois que sa fiancée Domitia fût en âge de se marier. Pauvre Postumus ! il aimait toujours Livilla, bien qu’elle ne fût plus libre. Mais avant de continuer l’histoire de Postumus, il faut que je raconte ma rencontre avec le « Dernier Romain ».

9
     
     
    Il s’appelait Pollion, et je fis sa connaissance tout juste une semaine après mes fiançailles avec Urgulanille. Je travaillais à la Bibliothèque d’Apollon quand je vis entrer Tite-Live, accompagné d’un petit vieillard alerte en robe de sénateur. « Je crois, disait Tite-Live, que nous ferions mieux d’y renoncer, à moins que… Tiens, voilà Sulpicius ! Si quelqu’un sait, ce sera lui. Bonjour, Sulpicius. Veux-tu nous rendre un service, à Asinius Pollion et à moi ? Nous voudrions consulter un livre : un commentaire des Tactiques militaires de Polybe, par un Grec du nom de Polémoclès. Je crois me rappeler l’avoir vu ici autrefois, mais les catalogues n’en font pas mention et les bibliothécaires ne sont bons à rien. » Sulpicius mâchonna sa barbe un moment, puis répondit : « Tu fais erreur. L’auteur s’appelle en réalité Polémocrate, et malgré son nom ce n’est pas un Grec, mais un Juif. Il y a quinze ans j’ai vu le livre sur la planche du haut, la quatrième après la fenêtre, tout au fond : l’étiquette portait simplement : Dissertations sur la tactique. Attends, je vais te le chercher. Je ne pense pas qu’on l’ait changé de place. »
    Tout à coup Tite-Live m’aperçut.
    — Ça va, mon ami ? Connais-tu le fameux Asinius Pollion ?
    Je saluai.
    — Que lis-tu là, mon garçon ? me demanda Pollion. Des sottises, j’en suis sûr, à voir la façon dont tu le caches. Les jeunes gens de nos jours ne lisent que des sottises.
    Il se tourna vers Tite-Live.
    — Je parie dix pièces d’or que c’est quelque Art d’aimer, ou une pastorale d’Arcadie.
    — Je tiens le pari, dit Tite-Live. Claude n’est pas un garçon comme les autres. Eh bien, Claude, qui a gagné ?
    Bégayant, je dis à Pollion :
    — Je suis heureux, seigneur, de pouvoir dire que tu as perdu.
    Il fronça le sourcil.
    — Comment cela ? Heureux que j’aie perdu, hein ? Est-ce une façon de parler à un vieillard comme moi, et à un sénateur, encore ?
    — Je l’ai dit en toute révérence, seigneur. Je suis heureux que tu aies perdu, parce que je ne voudrais pas qu’on appelât ce livre « des sottises ». C’est ta propre Histoire des guerres civiles, un très beau livre, si

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