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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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sexuelle – mais sans désir ni affection, uniquement parce que cela aussi nous semblait faire partie du mariage. Je fus toujours aussi courtois envers Urgulanille que possible : elle me récompensa par son indifférence : c’était le mieux que je pusse espérer d’une femme comme elle. Trois mois après notre mariage elle devint grosse et me donna un fils du nom de Drusillus, envers lequel je me trouvai incapable d’éprouver le moindre sentiment paternel. Il ressemblait, pour la méchanceté, à ma sœur Livilla et pour le reste au frère d’Urgulanille, Plautius, qu’Auguste, comme on va voir, devait bientôt me donner pour modèle.
    Auguste et Livie avaient l’habitude de ne jamais prendre une décision d’importance sans consigner par écrit – généralement sous forme de lettres – non seulement la décision mais les délibérations qui l’avaient précédée. Dans la masse de correspondance qu’ils ont laissée j’ai retrouvé plusieurs lettres qui expliquent l’attitude d’Auguste envers moi à cette époque. La première date de trois ans avant mon mariage :
     
    « Ma chère Livie,
    « Je veux te signaler un fait étrange qui s’est produit aujourd’hui, et dont je ne sais que penser. En causant avec Athénodore, je vins à lui dire combien je le plaignais de servir de précepteur au jeune Claude, qui me semble devenir de jour en jour plus nerveux et plus incapable. « Ne le juge pas trop durement, me répondit Athénodore. Il souffre de l’opinion de sa famille et du mépris qu’il rencontre partout. Mais il est loin d’être incapable. Tu ne l’as jamais entendu déclamer ? – Déclamer ! dis-je en riant. – Oui, déclamer, répéta Athénodore. Soumets-moi un sujet : tu reviendras dans une demi-heure et tu verras ce qu’il en aura fait. Mais cache-toi derrière un rideau, sans quoi tu n’entendras rien qui vaille. » Je choisis comme sujet les « Conquêtes romaines en Germanie » et une demi-heure plus tard je revins me cacher derrière le rideau. De ma vie je n’avais éprouvé pareille surprise. Claude connaissait les faits sur le bout du doigt, son plan était bon, ses détails bien amenés. Mieux que cela : il ne bégayait pas ! Dieu me damne si je n’ai pas pris plaisir à l’entendre ! Comment un garçon dont la conversation ordinaire est si parfaitement stupide peut arriver à discourir ainsi, cela me dépasse. Je m’esquivai, en disant à Athénodore de ne pas lui parler de moi, mais je ne peux me tenir de venir te raconter la chose. Ne crois-tu pas que nous pourrions de temps à autre permettre à Claude de dîner avec nous le soir, quand il n’y a pas beaucoup de monde, en lui recommandant de fermer la bouche et d’ouvrir les oreilles ? S’il doit après tout devenir un membre normal de la famille, il faut bien l’habituer peu à peu à se mêler à ses égaux. Nous ne pouvons le laisser perpétuellement relégué avec ses précepteurs et ses affranchis. Évidemment, la question de ses facultés mentales prête à controverse. Tibère, Antonia, Livilla, sont unanimes à le regarder comme un idiot. D’autre part Athénodore, Sulpicius, Postumus et Germanicus affirment que quand il le veut il a autant de bon sens que n’importe qui, mais que sa nervosité lui fait facilement perdre la tête. Pour moi, je le répète, je n’arrive pas à me faire une opinion. »
     
    À quoi Livie répondit :
    « Mon cher Auguste,
    « Ta surprise derrière le rideau me rappelle exactement celle que nous éprouvâmes lorsque l’ambassadeur des Indes ôta la housse de soie de la cage d’or que nous avait envoyée son maître, le Grand Roi, et qu’apercevant pour la première fois l’oiseau Perroquet avec ses plumes d'émeraude et son collier de rubis, nous l’entendîmes crier : « Salut, César, Père de la Patrie ! » Ce n’était pas la phrase elle-même — n’importe quel petit enfant peut en bégayer autant – non, ce qui nous étonnait, c’était de l’entendre dire par un oiseau. Cependant personne ne songerait à admirer le Perroquet pour avoir dit précisément ce qu’il fallait, car il n’y a pas compris goutte. Tout l’honneur en revient à celui qui l’a dressé. Tu sais que dans la conversation courante l’oiseau débite les pires absurdités et qu’il faut tenir sa cage couverte pour le faire taire. C’est la même chose pour Claude – encore que j’offense le Perroquet, qui est un bel oiseau, en lui comparant

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