Moi, Claude
dis-lui que nous prendrons bientôt une décision au sujet de son fils dans un sens ou dans l’autre. Il est ridicule pour elle de se trouver légalement sous sa tutelle. »
L’organisation de la table des prêtres fut ma première fonction publique – à part cela il ne s’y passa rien d’extraordinaire. Plautius, un petit homme pimpant et vaniteux comme un moineau, s’occupa de tout à ma place. Il ne prit pas la peine de m’expliquer le système d’approvisionnement ni les règles des préséances sacerdotales : il ne répondit même pas aux questions que je lui posai à ce sujet, et me fit simplement répéter les paroles et les gestes rituels par lesquels je devais accueillir les prêtres en me défendant d’y ajouter un seul mot. Cela m’embarrassait beaucoup : mon mutisme et ma docilité devant Plautius devaient faire mauvaise impression. Quant aux Jeux eux-mêmes, je ne les vis point.
On a remarqué les réflexions désobligeantes de Livie sur Postumus. À dater de ce moment ces réflexions deviennent de plus en plus fréquentes dans ses lettres : Auguste essaie d’abord de défendre son petit-fils, puis reconnaît que Postumus l’a déçu. Livie formule des accusations définies : c’est Tibère qui se plaint d’une allusion impertinente de son beau-fils à l’Université de Rhodes : c’est Caton qui déplore la mauvaise influence de Postumus sur les écoliers plus jeunes qu’il excite à l’indiscipline – là-dessus Livie exhibe les rapports confidentiels de Caton, qu’elle dit avoir cachés longtemps dans l’espoir que tout s’arrangerait. Ensuite viennent des allusions à l’humeur sombre et chagrine du jeune homme – c’était le temps où Postumus pleurait la mort de son frère Caius et la perte de Livilla. Livie demande qu’à sa majorité on attende encore quelques années avant de lui remettre la totalité de l’héritage de son père Agrippa, « de peur, dit-elle, de l’inciter à une vie plus déréglée encore ». Quand il est en âge de servir on le nomme simple lieutenant d’état-major dans la garde, sans aucun des honneurs dont on avait comblé Caius et Lucius. Auguste lui-même reconnaît que c’est préférable, car Postumus est ambitieux : il ne faut pas retomber dans les mêmes complications qu’au temps où les jeunes nobles soutenaient Marcellus contre Agrippa ou Caius contre Tibère. Les lettres nous apprennent bientôt que Postumus le prend très mal : il déclare à Auguste qu’il ne désire pas les honneurs pour eux-mêmes, mais que tout cela fait mauvais effet auprès de ses amis qui le croient en disgrâce au Palais.
Puis le ton devient plus grave. Postumus s’est querellé avec Plautius – ni l’un ni l’autre ne veut dire à Livie à quel sujet – et l’a jeté dans une fontaine en présence de plusieurs hommes de qualité et de leurs laquais. Auguste le fait comparaître devant lui : il ne manifeste aucune contrition, mais assure que Plautius méritait son plongeon pour avoir mal parlé de moi. En même temps il se plaint à Auguste qu’on retienne injustement son héritage. Peu après Livie le réprimande de son incivilité envers elle. « Qu’est-ce qui t’a empoisonné ? » demande-t-elle. Il répond en ricanant : « Tu as peut-être mis quelque chose dans ma soupe. » Quand elle demande l’explication de cette plaisanterie extraordinaire, il répond, en ricanant plus grossièrement encore : « C’est une vieille habitude chez les belles-mères. » Quelque temps après son général se plaint à Auguste de ce qu’il ne se mêle pas aux autres jeunes officiers et passe tous ses loisirs à pêcher en mer, ce qui lui a valu le sobriquet de « Neptune ».
Mes devoirs comme prêtre de Mars n’étaient pas difficiles : Plautius, qui était prêtre du même collège, devait me surveiller pendant les cérémonies. Je finissais par le haïr. La réflexion injurieuse pour laquelle Postumus l’avait jeté dans la fontaine n’était pas seule de son espèce. Il m’appelait lémure, et jurait que seul son respect pour Auguste et Livie le retenait de cracher sur moi à chacune de mes questions sottes et inutiles.
11
L’année qui précéda ma majorité et mon mariage fut une mauvaise année pour Rome. Une série de tremblements de terre détruisit plusieurs villes au sud de l’Italie. La pluie avait été rare et les récoltes paraissaient misérables : juste au moment de la moisson des orages
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