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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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bavardages dénués de fondement. Tu écris la vie de ton père, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Eh bien, tu verras qu’on ne te laissera pas aller au-delà d’un certain point. Et la personne qui t’arrêtera…
    Sulpicius revenait en traînant les pieds et nous ne dîmes plus rien d’intéressant jusqu’au départ. Quand je pris congé de Pollion il m’attira à part et murmura :
    — Petit Claude, adieu ! Mais pas de folies au sujet des libertés du peuple. Ce n’est pas encore le moment. Avant d’aller mieux les choses doivent aller bien plus mal.
    Puis il éleva la voix :
    — Encore quelque chose. Si après ma mort tu découvres quelque erreur importante dans mes livres, je te permets – je t’en donnerai l’autorisation officielle – d’y ajouter les corrections en supplément. Tiens-les à jour : un livre vieilli n’est plus bon qu’à envelopper le poisson.
    — J’en serai très honoré, lui répondis-je.
    Trois jours plus tard Pollion mourut. Il me laissait par testament sa collection d’Histoires romaines des premiers siècles, mais on me les ôta : mon oncle Tibère prétendit qu’elles lui étaient destinées et que la similitude de nos noms était cause de l’erreur. Quant à l’autorisation officielle de corriger les livres, elle fut traitée par tous comme une plaisanterie. Je tins cependant ma promesse à Pollion quelque vingt ans plus tard. Il avait traité très sévèrement Cicéron – un homme vaniteux, hésitant, craintif – tout en étant de son avis je jugeai bon de faire remarquer que Cicéron n’était du moins pas un traître, comme le disait Pollion sur la foi de certaines lettres. J’avais reconnu dans ces lettres la main de Clodius Pulcher, qui en voulait à Cicéron d’avoir témoigné contre lui quand il fut accusé d’avoir pris part sous un déguisement de musicienne au sacrifice de la Bonne Déesse. Encore un des mauvais Claudes, ce Clodius Pulcher.

10
     
     
    Quand j’atteignis ma majorité, Tibère, bien qu’il eût déjà Castor pour héritier, venait, sur l’ordre d’Auguste, d’adopter Germanicus. Celui-ci passa de la famille Claudia dans la famille Julia : je me trouvai donc tout à coup chef de la branche aînée des Claudes et seul maître des biens de mon père. Ma mère, qui ne s’était jamais remariée, dut m’accepter pour curateur, ce qui l’humilia fort. J’étais prêtre des autels familiaux : tous nos papiers d’affaires devaient porter ma signature : cependant elle me traitait avec plus de sévérité que jamais. La cérémonie de ma majorité contrasta étrangement avec celle de Germanicus. Je revêtis ma robe virile à minuit : on me porta en litière, sans procession ni suite, jusqu’au Capitole où j’offris le sacrifice rituel : puis on me rapporta au lit. Germanicus et Postumus auraient voulu m’accompagner, mais afin d’attirer sur moi le moins d’attention possible, Livie donna ce soir-là au palais un banquet auquel ils ne purent se dispenser de prendre part.
    Mes noces avec Urgulanille se passèrent à peu près de la même manière. Peu de gens furent mis au courant de notre mariage avant le lendemain de la cérémonie. Tout se passa régulièrement : le voile couleur de feu et les souliers safran d’Urgulanille, les auspices, le gâteau sacré, les deux tabourets recouverts de peau de mouton, ma libation, l’onction du chambranle par la fiancée, les trois pièces de monnaie, mon offrande du feu et de l’eau à Urgulanille – tout y était, sauf la procession aux flambeaux : mais tout fut fait trop vite, n’importe comment et de mauvaise grâce. C’est la coutume à Rome, de peur qu’une fiancée ne trébuche sur le seuil conjugal la première fois qu’elle le franchit, de le lui faire passer en la soulevant. Les deux membres de la famille qui devaient remplir cet office étaient des hommes d’un certain âge, bien incapables de supporter le poids d’Urgulanille. L’un d’eux glissa sur le marbre et la malheureuse s’écroula avec fracas, les entraînant tous deux en un tas confus de bras et de jambes. C’était le pire de tous les présages : pourtant je ne peux même pas dire que notre mariage ait été malheureux : nos relations sont restées trop vagues pour justifier le mot de malheur. Nous couchâmes ensemble au début parce que tout le monde avait l’air de s’y attendre : nous eûmes même de temps à autre des rapports conjugaux – ma première expérience

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