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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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toujours Postumus à Planasie : il décida donc de revenir à Rome aussitôt que possible et de discuter franchement le cas de Postumus avec Tibère. Mais avant d’avoir pu rien faire il reçut de Mayence la nouvelle d’une mutinerie sur le Rhin ; comme il s’y portait en hâte on lui annonça la mort de Postumus. Celui-ci, racontait-on, avait été tué par le capitaine de ses Gardes, à qui Auguste avait ordonné de ne pas laisser son petit-fils lui survivre. L’exécution de Postumus indigna et peina Germanicus, mais il n’avait pas le loisir de penser à autre chose qu’à la mutinerie. Tandis que le pauvre Claude, qui, lui, ne manquait jamais de loisirs, éprouva le plus grand chagrin du monde. On ne peut pas écrire de l’histoire pendant plus de cinq ou six heures par jour, surtout quand il n’y a guère de chances que personne vous lise jamais. Je m’abandonnai donc tout entier à mon chagrin. Comment aurais-je pu savoir que c’était Clément qu’on avait tué, et que non seulement le meurtre n’avait pas été ordonné par Auguste, mais que Livie et Tibère, eux aussi, en étaient innocents ?
    Le coupable était un vieux chevalier appelé Crispus, propriétaire des Jardins de Salluste et ami intime d’Auguste. À la nouvelle de la mort de celui-ci, il ne prit pas le temps d’aller consulter Livie et Tibère à Nola, mais envoya immédiatement à Planasie l’ordre d’exécuter Postumus : il se servit pour cela du sceau d’Auguste dont celui-ci lui avait confié un double pour signer quelques papiers d’affaires en son absence. Tibère manifesta quelque déplaisir, mais Crispus ne fut pas poursuivi.
    Or, ce n’était ni pour plaire au nouveau souverain ni pour éviter une guerre civile que Crispus avait fait assassiner Postumus – c’était pour se venger d’une insulte. Crispus, aussi paresseux qu’il était riche, s’était vanté un jour de n’avoir jamais brigué aucun office, content qu’il était de rester simple chevalier romain. « Simple chevalier romain ? avait répliqué Postumus. Alors tu ne ferais pas mal d’apprendre à monter un simple cheval romain. »

15
     
     
    La mutinerie du Rhin éclatait en solidarité avec une mutinerie dans les Balkans. Les soldats, désappointés du maigre legs d’Auguste – quatre mois de paie, trois pièces d’or par homme – s’étaient souvenus de certains vieux griefs : ils réclamaient notamment une augmentation de la paie, la réduction de la durée du service à seize ans et un adoucissement de la discipline.
    Quand le général fit arrêter les meneurs, les autres envahirent la salle de police et les délivrèrent, en assassinant un capitaine qui tentait de s’y opposer. Ce capitaine était surnommé le vieux « Donne-m’en-un-autre », parce que après avoir brisé son cep de vigne sur le dos d’un soldat il en réclamait généralement un deuxième et même un troisième.
    Castor, envoyé par Tibère pour rétablir l’ordre dans les Balkans, se retrancha d’abord derrière l’autorité de son père et du Sénat. Mais les hommes se fâchèrent pour de bon. Pourquoi diable était-il venu s’il n’avait le pouvoir de rien faire ? Son père Tibère usait du même stratagème quand ils lui présentaient leurs doléances : il s’abritait derrière Auguste et le Sénat. Qu’était-ce que le Sénat, d’abord ? Un tas de richards bons à rien, dont la plupart crèveraient de peur s’ils apercevaient un bouclier ennemi ou voyaient tirer une épée ! Ilscommencèrent à jeter des pierres à la suite de Castor : la situation devenait critique. Heureusement pendant la nuit le hasard arrangea tout. Il y eut une éclipse de lune ; les soldats, superstitieux comme ils le sont tous, s’en montrèrent singulièrement frappés. Ils crurent que le ciel leur manifestait ainsi sa colère pour avoir tué le vieux Donne-m’en-un-autre et défié l’autorité. Là-dessus le temps se gâta : une pluie diluvienne inonda le camp et interrompit les communications entre les tentes. Les hommes prirent cela pour un nouvel avertissement du ciel. Avant le jour la mutinerie était finie.
    Celle du Rhin fut plus sérieuse : le général perdit la tête devant l’insolence des mutins qui l’assiégeaient de réclamations et de menaces. Sa faiblesse les encouragea à s’attaquer aux plus détestés de leurs capitaines : ils en firent mourir une vingtaine sous les coups de leurs propres ceps de vigne et jetèrent leurs

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