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Moi, Claude

Moi, Claude

Titel: Moi, Claude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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cadavres dans le Rhin ; ceux qui restaient furent couverts d’insultes et chassés hors du camp. Lorsque Germanicus arriva, les rebelles l’entourèrent en masse pour lui présenter leurs doléances.
    Les hommes se déshabillaient jusqu’à la ceinture pour exhiber sur leurs poitrines les cicatrices argentées de leurs glorieuses blessures et sur leur dos la marque rouge et irrégulière du fouet. Un vieillard décrépit sortit des rangs et s’avança, écartant sa bouche avec ses doigts pour montrer ses gencives vides. « Comment veux-tu que je mange sans dents, mon général ? Faut-il marcher et combattre en me nourrissant d’eau de vaisselle ? J’ai servi sous ton père pendant sa première campagne des Alpes, et j’avais déjà à ce moment-là six ans de service ! Deux de mes petits-fils sont dans la même compagnie que moi. Libère-moi, mon général ! Je t’ai bercé sur mes genoux quand tu étais petit. Regarde : j’ai une hernie, et on veut que je fasse dix lieues avec cent livres sur le dos !
    — Dans les rangs, Pomponius ! ordonna Germanicus, reconnaissant le vieillard et indigné de le trouver encore sous les armes. Tu t’oublies. J’examinerai ton cas plus tard. Pour l’amour du ciel, donne le bon exemple aux jeunes ! »
    Pomponius salua et reprit son rang. Germanicus leva la main pour obtenir le silence, mais les hommes continuaient à réclamer leur paie à grands cris et à se plaindre des corvées inutiles qu’on leur imposait. Ils n’avaient pas un instant à eux de la diane au couvre-feu, et la seule libération qu’on pût maintenant attendre dans l’armée était de tomber mort de vieillesse. Germanicus attendit pour prendre la parole que le calme fût complètement rétabli. Alors il déclara : « Au nom de mon père Tibère, je vous promets qu’il vous sera fait justice.
    — Oh ! au diable Tibère ! » cria quelqu’un. Le cri fit écho de toutes parts, mêlé de grognements et de sifflets. Soudain l’armée entière se mit à crier : « C’est toi l’Empereur qu’il nous faut ! Tibère au Tibre ! Debout, Germanicus ! Germanicus Empereur ! Au diable Tibère ! Au diable Livie la putain ! Debout, Germanicus ! Marche sur Rome ! Nous sommes tes hommes ! Debout, Germanicus, fils de Germanicus ! Germanicus Empereur ! »
    Germanicus était bouleversé.
    — Vous êtes fous, s’écria-t-il. Pour qui me prenez-vous ? pour un traître ?
    — Tu es notre Empereur, répondirent-ils.
    Il ne s’en tira qu’en promettant aux hommes, de la part de Tibère, six pièces d’or au lieu des trois que leur promettait le legs d’Auguste. Là-dessus, il m’écrivit une lettre précipitée, me demandant de réaliser immédiatement et dans le plus grand secret deux cent mille pièces d’or sur ses biens – c’était pour la sécurité de Rome. Il n’ajoutait rien de plus, mais m’envoyait sa procuration pour que je pusse agir à sa place. J’allai trouver son intendant : celui-ci me dit qu’il ne pouvait me procurer que la moitié de la somme – pour avoir davantage il faudrait vendre, et vendre ferait jaser, ce que voulait avant tout éviter Germanicus. Il me fallut donc trouver le reste moi-même. Je vendis une maison et pus envoyer l’argent deux jours après avoir reçu la lettre. Ma mère fut très irritée en apprenant la vente de ma maison ; mais j’étais tenu à ne pas révéler la destination de l’argent : je lui racontai donc que j’avais joué gros jeu aux dés et qu’en essayant de me rattraper j’avais perdu le double. Elle me crut, et le nom de « joueur » lui devint une nouvelle arme contre moi. Mais la conviction d’avoir servi Germanicus et Rome compensait amplement ses reproches.
    Il est vrai que je jouais souvent à cette époque, mais sans jamais perdre ni gagner beaucoup. Je jouais pour me délasser de mon travail. Après avoir achevé mon Histoire des Réformes religieuses d’Auguste, j’écrivis même un court ouvrage humoristique sur les dés, que je dédiai, pour faire enrager ma mère, à la Divinité d’Auguste. J’y citais une lettre qu’Auguste, grand amateur de dés, avait jadis écrite à mon père pour lui dire le plaisir qu’il avait pris à leur partie de la veille. Mon père était, assurait-il, le plus beau joueur qu’il eût jamais vu : il vitupérait en riant contre le sort toutes les fois qu’il amenait le Chien, mais quand un autre joueur amenait Vénus il s’en réjouissait comme

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